Silencieuse… façon de parler, car les bombes et les missiles feront autant de bruits que auparavent, sinon plus. Il y aura encore des dégâts et des morts en Syrie, accompagnés ici et là par des attentats terroristes revendiqués par un Daech qui n’existe plus, histoire de maintenir encore un peu la validité de la version initiale de la Guerre syrienne. Mais, et c’est nouveau, en plus de ce schéma auquel nous avons été habitués, il y aura désormais des morts et des dégâts du côté israélien. Et, précisément pour cette raison, la communication habituelle autour des actions militaires est enrayée. Israël a toujours communiqué autour de son invincibilité, de ses combats victorieux avec « zéro mort », de son intouchabilité presque absolue, ce qu’il ne pourra plus faire depuis ce matin du 10 Mai. La majeure partie de la communication sur la guerre syrienne étant organisée par Israël et ses soutiens, nous entrons désormais dans une nouvelle phase des guerres du Moyen-Orient.
Au vu de ce qui s’est passé le 10 Mai, la nouvelle politique syrienne, probablement en accord avec ses alliés de l’Iran, du Hezbollah et de la Russie, semble être de réagir à chaque intervention israélienne de manière asymétrique, avec l’intention de causer le maximum de dégâts et de pertes chez l’adversaire sur ses positions stratégiques. Plus les dégâts seront importants, moins ils auront besoin de les commenter, laissant Israël avec l’amer constat de sa faillibilité qu’il aura tout intérêt à passer sous silence. Avec une telle stratégie, Israël pourrait être amené à s’essouffler rapidement, et à finir par jeter l’éponge.
Depuis le 10 Mai, il y a une sorte de déception chez ceux qui voudraient voir la guerre de Syrie comme ring où les protagonistes s’insultent, se lancent des défis et des menaces qu’ils peuvent commenter à loisir pour ensuite compter les points. Il y a aussi ceux qui auraient voulu voir la Russie jouer les gendarmes arrêtant les méchants, ou comme un arbitre distribuant les cartons rouges. Malheureusement (ou heureusement), la Russie n’est ni un gendarme, ni un arbitre (à quel titre légal ?) dans la guerre syrienne. A la demande du gouvernement légal et au nom de ses propres intérêts, elle s’était donnée pour mission d’aider à éradiquer le terrorisme en Syrie et d’y empêcher un changement de régime. Elle n’a jamais eu l’intention d’entrer militairement dans un conflit qui dure depuis des décennies et qui ne peut se résoudre que politiquement avec l’aide de la communauté internationale.
Malgré tout, le quasi silence de la Russie après les évènements du 10 Mai semble indiquer qu’elle participe pleinement et activement à la stratégie du silence autour des interventions israéliennes. En s’effaçant derrière l’armée syrienne, les conseillers iraniens et le Hezbollah, allant même jusqu’à annoncer le report de livraison des S-300 à la Syrie, elle peut ainsi juguler toute velléité des pays occidentaux de s’impliquer directement dans le conflit pour aider Israël. Le mano à mano est profitable à la Syrie qui a une armée aguerrie et qui n’a plus rien à perdre, ce qui n’est pas le cas d’Israël. La paix totale au Moyen-Orient ne reviendra que quand Israël abandonnera son projet en Syrie, ce qui ne pourra se faire que quand Israël et ses sponsors constateront par eux-mêmes leur impuissance à le réaliser. Pour cela, il n’est pas besoin de guerre ouverte avec Israël qui pourrait faire dire à Netanyahou que 6 millions de juifs sont menacés. Des ripostes silencieuses mais qui font mal devraient pouvoir remplir cette mission.
Source : Réseau international