Au moment où Washington multiplie ses agissements militaires sur la rive est de l’Euphrate tout comme dans le sud de la Syrie, et ce, sur fond de plans visant à s’emparer des gisements gaziers de la Méditerranée, ni l’État syrien ni la Russie ne peuvent se permettre de se passer de l’appui de l’Iran.
Simultanément à la visite du ministre israélien des Affaires militaires Avigdor Lieberman à Moscou, les spéculations vont bon train sur de supposées divergences des intérêts russes et iraniens en Syrie, divergences qui finiront, affirme la presse israélienne, par éloigner Moscou de Téhéran.
La tournure qu’ont prise les événements ces dernières semaines et la posture particulièrement offensive de Washington et de ses alliés permettent toutefois de douter de cette lecture. D’aucuns voient à travers cette intense campagne une guerre des nerfs destinée à inverser la donne sur le champ de bataille, à diviser les rangs des alliés d’Assad et surtout à ôter à ce dernier les atouts militaires dont il s’est doté, en vue des pourparlers politiques à venir.
Les premiers éléments de cette campagne anti-iranienne ont été mis sur place peu après la libération de la Ghouta orientale, puis de celle d’al-Hajar al-Aswad et du camp de Yarmouk des mains des terroristes de Daech et d’al-Nosra, et à la suite de la mobilisation des forces syriennes pour un vaste déploiement sur le front sud, à savoir Deraa, aux frontières de la Jordanie et de la province de Quneitra, limitrophe d’Israël. Or c’est cette proximité avec Israël qui complexifie tout. Israël jure de réagir, surtout si le Hezbollah accompagne l’armée syrienne comme il l’a fait depuis le début de la guerre dans chacun des combats qui l’a opposé aux terroristes.
Les États-Unis disent que Deraa fait partie des zones de désescalade, alors même que les groupes terroristes y opèrent depuis des années au su et au vu des forces spéciales US et que l’État syrien n’a en toute logique pas besoin de l’autorisation de qui que ce soit pour se réapproprier des pans entiers de son territoire.
Quant à Israël, il affirme ne pas tolérer la « présence de l’Iran et du Hezbollah » dans le Sud syrien, même la Syrie est un État en lutte contre les résidus terroristes et en passe de consolider sa souveraineté sur son propre territoire. Amorcés depuis plus d’un mois, les pourparlers Russie/États-Unis/Jordanie sont en cours et s’ils aboutissent, ce sera l’armée syrienne et elle seule qui prendra position sur les frontières avec la Jordanie et Israël. Soit dit en passant, la sécurisation du sud de la Syrie par la voie des négociations n’est pas une mince victoire pour un État syrien qui, depuis 2011, a repris une à une chaque parcelle de son territoire, au prix du sang de centaines de ses soldats.
Les pourparlers tripartites à Amman impliquent la Jordanie et les États-Unis, soit les deux principaux soutiens des terroristes takfiristes au sud de la Syrie. Et puisque l’armée syrienne a souvent l’habitude de négocier avant d’attaquer les terroristes, rien ne permet de conclure que les Russes font là bande à part. Surtout que le procédé a eu un précédent à Idlib, où la Russie a négocié avec la Turquie une évacuation des terroristes d’Alep.
Reste la phrase très singulière du ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, qui, à l’instar du conseiller spécial du président Poutine pour la Syrie, a appelé mardi dernier au retrait de toutes les forces étrangères du Sud syrien.
Mais les forces appelées à quitter les lieux incluent-elles aussi les Iraniens ?
Interviewé par RT, le président Assad a été très clair il y a deux jours : tout d’abord tout le territoire syrien « devra être restitué », surtout « la rive est de l’Euphrate », où les Américains détiennent plusieurs bases. Et puis les Iraniens « ne disposent ni de bases militaires ni de troupes de combat en Syrie, mais seulement des officiers qui conseillent l’armée syrienne », forment les soldats, définissent des stratégies.
Les forces étrangères visées sont aussi et surtout les Américains, qui s’y sont implantés sans l’aval de Damas, qui ont annoncé n’avoir aucune intention de quitter leurs bases d’al-Tanf et de Deir ez-Zor, et qui menacent de surcroît l’armée syrienne de frappes, si d’aventure celle-ci s’approchait de leur zone d’action sur les frontières irakiennes ou jordaniennes. Et ce n’est pas tout.
La présence américaine dans le Sud et sur la rive est de l’Euphrate est autrement significative : Deir ez-Zor regorge de pétrole et de gaz, tout comme les rives syriennes de la Méditerranée.
Or le gaz, cet or bleu qui est sur le point de reléguer au second plan le pétrole comme source énergétique, n’est pas étranger à l’insistance des États-Unis de maintenir à tout prix leur présence en Syrie, sous des prétextes que sont la sécurité israélienne ou encore la création d’un État kurde.
À vrai dire, le gaz syrien est ce qu’il faut aux Américains pour défier le géant gazier russe sur son propre terrain.
Mais il y a encore plus : à l’heure où des pourparlers se déroulent entre Russes d’une part et Américains et Jordaniens de l’autre, le binôme Pentagone-OTAN élargit ses effectifs à un rythme effréné dans l’est et le nord-est de la Syrie. Sa flotte se réactive en Méditerranée. Tout cela n’augure rien de bon pour la suite des événements en Syrie, où l’Amérique rebat les cartes sans cesse dans l’objectif très précis de provoquer la confusion et la division dans le camp russe. Le moment est bien trop délicat pour qu’Assad et Poutine se passent de l’Iran.
Source: PressTV