Deux mots-clés brillent par leur absence dans la déclaration commune signée mardi par Donald Trump et Kim Jong Un au terme de leur sommet sans précédent.
Les Etats-Unis exigeaient de longue date la dénucléarisation « complète, vérifiable et irréversible » de la Corée du Nord, un objectif encore affiché clairement à la veille de la rencontre de Singapour.
Chaque mot a son importance dans cette formulation, puisqu’il s’agit de voir Pyongyang « se débarrasser » de ses armes atomiques et missiles balistiques, sous le contrôle d’inspecteurs internationaux et de telle manière qu’un retour en arrière ne soit pas envisageable.
La vérification « est importante », avait dit lundi le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, « c’est ce qui a manqué jusqu’ici » lorsque les Nord-Coréens n’ont pas tenu leurs précédents engagements.
Or le texte signé par le président américain et le dirigeant nord-coréen fait l’impasse sur deux revendications de Washington.
Kim Jong Un ne s’engage qu’en faveur d’une « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». Il s’agit d’une tournure diplomatique déjà employée et sujette à toutes sortes d’interprétations — Pyongyang a ainsi réclamé par le passé le retrait des troupes américaines déployées en Corée du Sud, et un désarmement global impliquant aussi les autres puissances nucléaires.
« Ils n’ont pas réussi à trouver un accord sur la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible », constate Koo Kab-woo, professeur à l’Université d’études nord-coréennes de Séoul.
« En termes de vérification, les États-Unis ont probablement demandé d’avoir accès à tous les sites et à tout moment, et le Nord a refusé », dit-il à l’AFP.
« Petit pas »
Donald Trump a tenté d’assurer, devant la presse, que des vérifications auront bien lieu, repoussant les détails de la mise en œuvre de l’accord à d’ultérieures négociations qui démarreront « dès la semaine prochaine ».
La promesse de nouvelles discussions est certes le signe qu’un processus diplomatique est bel et bien enclenché: on est à des années-lumière des tensions et menaces de l’an dernier, qui risquaient de dégénérer à tout moment en confrontation armée.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a de son côté fait part de sa disponibilité pour mener des vérifications si Washington et Pyongyang le demandaient.
« Il ne faut pas se borner à regarder tout cela uniquement dans les détails et en termes de dénucléarisation », souligne John Delury, professeur à l’Université Yonsei de Séoul. Il est « important d’avoir une vue d’ensemble ».
Et selon Ruediger Frank, de l’Université de Vienne, « Trump a sauvé le processus en acceptant de faire un petit pas à la fois, plutôt que de le tuer dans l’œuf », alors qu’il avait d’abord semblé fixer la barre très haute.
Mais de nombreux autres experts font valoir que Pyongyang a déjà pris des engagements similaires par le passé, parfois même plus détaillés, sans jamais les tenir.
Il y a 25 ans presque jour pour jour, lors de discussions en 1993 à New York, les Etats-Unis et la Corée du Nord avaient trouvé un accord de principe en faveur de la « paix et la sécurité dans une péninsule coréenne sans armes nucléaires ». Les Nord-Coréens s’engageaient alors à suspendre leur retrait du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).
Selon Vipin Narang, professeur au Massachusetts Institute of Technology, « la Corée du Nord n’a rien promis de plus qu’au cours des 25 dernières années ».
« A ce stade, il n’y a aucune raison de penser que ce sommet débouche sur quelque chose de plus concret que cela sur le front du désarmement », a-t-il dit à l’AFP.
En 2005, le Nord avait même accepté d' »abandonner tous les armes nucléaires et les programmes nucléaires existants ».
Un an plus tard, le régime menait son premier essai atomique, suivi de cinq autres jusqu’en 2017, tout en développant des missiles balistiques désormais capables d’atteindre les Etats-Unis.
« La Corée du Nord n’offre toujours pas de désarmer », a tweeté le spécialiste de la non-prolifération Jeffrey Lewis.
Source: AFP