Le gouvernement afghan attendait dimanche une réponse des talibans à sa demande de prolongation d’un cessez-le-feu inédit, en dépit d’un attentat attribué au groupe Etat islamique qui a fait 25 morts la veille.
Peu avant l’attaque de samedi, le président afghan Ashraf Ghani avait annoncé une prolongation du cessez-le-feu gouvernemental et demandé aux talibans d’en faire autant.
« J’annonce une prolongation du cessez-le-feu » au-delà de la date prévue, a-t-il déclaré, précisant que les détails seraient rendus publics ultérieurement et que les forces de sécurité devaient rester en « position défensive ».
« Je demande aussi aux talibans de prolonger leur cessez-le-feu », qui doit prendre fin dimanche.
Les talibans avaient décrété une cessation des combats pour trois jours à l’occasion de l’Aïd al-Fitr qui a débuté vendredi. Ce cessez-le-feu est une première depuis qu’une coalition internationale menée par les Etats-Unis les a chassés du pouvoir en octobre 2001, après les attentats du 11 septembre.
Le président Ghani, dont les offres de paix étaient restées jusqu’à présent sans réponse, avait annoncé la semaine dernière un cessez-le-feu unilatéral de huit jours avec les talibans pour la fin du ramadan.
Les talibans ont toutefois précisé qu’ils continueraient leurs opérations contre les « forces occupantes » étrangères dans le pays et se défendraient « avec virulence » s’ils étaient attaqués.
« Historique »
La mission de l’Otan en Afghanistan et les forces armées américaines ont dans un communiqué commun indiqué qu’elles respecteraient l’annonce du président Ghani.
L’Union européenne a pour sa part qualifié la trêve « d’historique ».
« La décision du président Ghani d’annoncer une extension du cessez-le feu est une nouvelle courageuse avancée vers la paix et nous appelons les talibans à en faire de même », a déclaré dans un communiqué la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, estimant que « le peuple afghan mérite une paix durable ».
L’attentat de samedi, tuant au moins 25 personnes lorsqu’un kamikaze s’est fait exploser parmi une foule célébrant le cessez-le-feu dans l’est de l’Afghanistan, a fait aussi au moins 54 blessés.
Il n’a pas été revendiqué dans l’immédiat, mais une source de sécurité afghane interrogée par l’AFP l’a imputé au groupe Etat islamique.
« Un kamikaze s’est fait exploser parmi des gens, des forces de sécurité, et des civils qui célébraient le cessez-le-feu » dans le district de Rodat dans la province orientale de Nangarhar, le porte-parole du gouverneur provincial Attaullah Khogyani.
« Fatigué de la guerre »
L’arrêt des combats, depuis mardi côté gouvernemental et depuis vendredi côté taliban, avait donné lieu ces deux derniers jours à d’inhabituelles scènes de fraternisation entre talibans et forces de sécurité afghanes, qui ont été vus se donnant l’accolade et se prenant en photo ensemble.
Dans le district disputé de Bati Kot, dans la province de Nangarhar (est) près de la frontière pakistanaise, des talibans bardés d’armes et de lance-grenades sillonnaient en voiture et à moto, agitant des drapeaux afghans et talibans, a constaté l’AFP.
Les forces afghanes tenant les checkpoints leur lançaient des félicitations pour l’Aïd al-Fitr, la fête marquant la fin du mois de jeûne musulman, tout en serrant dans leurs bras et en photographiant ceux-là même qu’ils tentent d’habitude de tuer.
Des villageois entouraient également les insurgés armés, leur donnant joyeusement l’accolade et prenant des selfies.
« Je suis là afin d’offrir mes vœux pour la fête à nos frères de la police et de l’armée », a déclaré à l’AFP le commandant taliban Baba. « Nous avons réussi à maintenir le cessez-le-feu jusqu’à présent. Tout le monde est fatigué de la guerre et si nos dirigeants nous ordonnent de poursuivre le cessez-le-feu, nous le maintiendrons pour toujours ».
Tout en saluant la trêve, un combattant taliban juché sur une moto ornée de drapeaux afghan et taliban a assuré qu’une paix durable ne pouvait être obtenue qu’après le départ des forces américaines.
« Nous voulons un gouvernement et un pays islamiques. Cela ne peut arriver que si les Américains partent » d’Afghanistan, a-t-il dit à l’AFP.
« Regardez, ils sont frères. Si leurs chefs viennent, s’assoient et parlent exactement comme le font leurs soldats, nous aurons la paix demain », commente Said Hasibullah sur Facebook sous une photo censée montrer un combattant taliban et un soldat afghan buvant du thé ensemble.
Les talibans ont « exploité » l’occasion pour démontrer leur popularité parmi les Afghans ordinaires, a dit à l’AFP un diplomate occidental à Kaboul. « Rien de mal à ça s’ils sont capables de percevoir les bénéfices des discussions plutôt que des combats ».
Vendredi, le président Ghani avait par ailleurs annoncé la mort dans une frappe de drone de l’armée américaine du leader taliban pakistanais Maulana Fazlullah, impliqué notamment dans la tentative d’assassinat de la jeune Malala.
Source: AFP