A deux semaines de la date-butoir, des dissonances voient le jour parmi les rebelles de la province d’Idleb et des zones avoisinantes du nord-ouest de la Syrie sur l’application de l’accord russo-turc, qui prévoit notamment l’instauration d’une « zone démilitarisée ».
La majorité des groupes rebelles de la région avaient accueilli favorablement cet accord entre Ankara et Moscou, conclu à Sotchi (Russie) le 17 septembre et qui a sauvé in extremis ce bastion insurgé d’une offensive du pouvoir syrien et de son allié russe.
Mais leur position semble avoir évolué ces derniers jours, certaines factions ayant rejeté l’accord ou objecté sur certains points, notamment l’emplacement de la « zone démilitarisée » et la présence de la police militaire russe.
L’accord prévoit la création d’une zone tampon de 15 à 20 km de large, en forme de fer à cheval, sous le contrôle de la Russie et de la Turquie, dans la province d’Idleb et des secteurs des régions voisines d’Alep, Hama et Lattaquié.
Les groupes rebelles et jihadistes takfiristes doivent avoir retiré leurs armes lourdes de la zone d’ici le 10 octobre, stipule l’accord. Les seuls jihadistes doivent en outre avoir quitté les lieux avant la mi-octobre.
L’accord russo-turc est « ambigu dans l’ensemble et ne comporte pas suffisamment de précisions techniques » sur son exécution, affirme à l’AFP Sam Heller, analyste à l’International Crisis Group (ICG).
Au sein des groupes rebelles, « la vision (concrète) de sa mise en application n’a émergé qu’au cours des derniers jours, après les discussions techniques ayant eu lieu entre Turcs et Russes et les réunions » avec Ankara, ajoute-t-il.
Après ces rencontres, des dissonances sont apparues: le groupe Jaïch al-Ezza a annoncé samedi rejeter l’accord, devenant la première faction rebelle à refuser le marché russo-turc.
Dans un communiqué publié sur Twitter, le groupe a exigé que la « zone démilitarisée » soit située à parts égales sur les territoires contrôlés par le pouvoir et ceux sous domination des insurgés.
Au moment de son annonce, l’accord ne précisait pas l’emplacement géographique exact de la zone tampon, se bornant à indiquer qu’elle se situerait « sur les lignes de contact » entre les forces gouvernementales et les groupes insurgés.
Or, il était « clair que la zone démilitarisée se trouverait dans le seul territoire de l’opposition », dit Sam Heller, car il était « impensable que Moscou puisse signer un accord comportant une atteinte à la souveraineté » de l’Etat syrien.
Déploiement russe
Autre obstacle majeur à l’adhésion des groupes rebelles: le déploiement militaire russe dans la future « zone démilitarisée », selon les termes de l’accord.
Le Front national de libération (FNL), formé début août à l’instigation de la Turquie, l’a fait explicitement entendre dimanche soir.
« Nous en avons discuté, et le FNL a une position claire, rejetant » cette présence russe, a indiqué la coalition dans un communiqué.
« Il y a désaccord (sur cette question) et le dialogue se poursuit afin d’élucider certains points », a précisé à l’AFP Naji Moustafa, porte-parole du FNL.
Jihadistes, facteur numéro 1
Ces déclarations ont confirmé les tergiversations autour de l’exécution de l’accord.
Quelques heures plus tôt, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) avait affirmé qu’un des groupes du FNL, Faylaq al-Cham, avait amorcé le retrait de ses armes lourdes, dont des chars et des canons, de plusieurs localités dans la zone tampon prévue par l’accord.
Mais le FNL et Faylaq al-Cham ont tous deux nié.
Cette confusion découle aussi d’une mauvaise coordination entre Ankara et les groupes insurgés, affirme une source syrienne proche des rebelles.
« Les difficultés proviennent du fait que les groupes rebelles syriens ne sont pas consultés lorsque la Turquie signe des accords avec les Russes », a dit cette source à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat.
Enfin, les jihadistes, dont les rapports avec Ankara sont inexistants ou au mieux ambigus, se murent eux dans un profond silence depuis le 17 septembre, à l’exception de Houras al-Din, groupuscule lié à Al-Qaïda qui a déjà fait part de son opposition à l’accord.
Hayat Tahrir al-Cham (HTS), organisation formée par l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda et principal groupe armé de la région, ne s’est toujours pas prononcé.
Il contrôle, avec d’autres jihadistes, près de 70% de la « zone démilitarisée » envisagée, selon l’OSDH, ce qui en fait le facteur principal de la réussite ou de l’échec de l’accord de Sotchi.
Source: Avec AFP