Tandis que les critiques à l’encontre du prince saoudien Mohammed Ben Salman, alias MBS, se multiplient à travers le monde après la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, Riyad garde le secret sur le scandale qui se joue en interne, notamment dans les différentes branches de la famille royale.
À en juger par la confusion récente autour du sort de l’ambassadeur saoudien aux États-Unis, il semblerait que l’affaire Khashoggi ait accru les tensions entre les membres de la famille royale, nées des réformes décapantes imposées par le prince héritier.
Le mercredi 17 octobre, Le Figaro, qui cite des sources diplomatiques à Paris et Riyad, rapporte qu’un « comité des sages » de la famille régnante des Saoud s’est réuni pour discuter de la crise Khashoggi. Au cœur des discussions, l’avenir de MBS, dont l’accession au trône pourrait être remise en question par cette affaire.
L’entourage de Mohammed Ben Salman resserre les rangs
L’ambassadeur Khalid Ben Salman, haut fonctionnaire saoudien à Washington et frère de MBS, a quitté les États-Unis la semaine dernière. Il ne reprendra pas son poste, indiquait lundi soir le New York Times. Mardi matin, CBS a diffusé un reportage allant dans le même sens. Les hauts responsables du ministère américain des Affaires étrangères ont toutefois affirmé aux journalistes de CBS et ABC qu’ils n’étaient au courant d’aucun changement. L’ambassade saoudienne à Washington s’est, quant à elle, refusée à tout commentaire.
Le retour de l’ambassadeur à Riyad laisse penser que l’entourage de MBS resserre les rangs. C’est le genre de signal manifeste qui en dit long sur l’état des relations au sein de l’élite du royaume.
Certains de ces monarques sont extrêmement mécontents de MBS
Une série de décisions risquées prises par le prince héritier (guerre contre le Yémen, rupture avec le Qatar voisin et, maintenant, ciblage présumé de Khashoggi) ont convaincu de nombreux experts que son style de gouvernance mettait en péril la stabilité du royaume.
Au sein du système, un certain nombre de Saoudiens dont la richesse et la vie oisive dépendent de la famille royale ont toutes les raisons d’être inquiets.
Inquiétudes déjà exprimées en 2015 par un prince dans deux missives faisant état du mécontentement de la famille à l’égard de l’administration Salmane, après une crise provoquée par la gestion du pèlerinage musulman annuel en Arabie saoudite.
Ajoutons à cela qu’une grande partie des critiques émises sur l’affaire Khashoggi par les législateurs américains — qui jouent un rôle déterminant dans l’approbation de l’assistance et de la collaboration dont dépendent les Saoudiens en matière de sécurité — visent directement le prince, accusé par les services de renseignement d’avoir personnellement ordonné la capture de Khashoggi.
Se dessine alors un scénario cauchemardesque pour le prince dans lequel les détenteurs du pouvoir à Washington proposeraient à Riyad un marché aux termes duquel ils garantiraient le maintien de leurs relations avec l’Arabie saoudite en échange d’une sortie publique du prince.
Il pourrait s’agir, pour la famille, d’un moment décisif: faites ce qui est nécessaire, si vous ne voulez pas tout perdre.
Les princes controversés se poseraient alors des questions sur la loyauté sans faille de leurs alliés occidentaux. Ceux-ci ont jusqu’ici à peine protesté l’an dernier lors de la purge organisée par le prince au détriment de ses propres cousins, frappés et torturés à cette occasion. Au moins trois princes saoudiens ont disparu ces dernières années en Europe.
Il n’est pourtant pas certain, à ce stade, que les rivaux de MBS aient une chance. « Ils n’y peuvent pas grand-chose, car ils n’ont ni les capacités ni le cran nécessaires », constate Ali al-Ahmed, dissident saoudien bien informé installé aux États-Unis.
« Qui osera le dégager? » demande al-Ahmed. « Citez-moi un nom. »
Avec Huffingtonpost