« Une rencontre entre le Premier ministre israélien et le prince héritier d’Arabie saoudite aurait du sens », indique un article du quotidien américain The Wall Street Journal, rédigé par Karen Elliott House.
« Ne soyez pas surpris si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se rend bientôt en Arabie Saoudite pour rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane, car l’administration Trump œuvre depuis près de deux ans pour que l’Arabie saoudite et Israël collaborent ouvertement. Le prince héritier Mohammed ben Salmane adore le risque et l’aventurisme et souhaite vivement tourner la page de l’affaire du meurtre de Jamal Khashoggi. La visite de cette semaine du secrétaire d’État américain Mike Pompeo au Moyen-Orient semble une mesure mise en scène pour mettre fin à ce drame dont la vedette est le prince héritier saoudien.
Les hommes d’État américains sont au Moyen-Orient : le conseiller à la sécurité nationale John Bolton a débarqué en Israël [les territoires occupés palestiniens, NDLR] samedi et le secrétaire d’État américain Mike Pompeo arrivera mercredi à Amman, en Jordanie, la première des huit capitales arabes qu’il visitera en autant de jours. Il prévoit de prononcer un discours important au Caire et de se rendre à Riyad au début de la semaine prochaine.
La visite de M. Pompeo a pour but de souligner que les États-Unis n’ont pas diminué leurs relations avec le Moyen-Orient et qu’ils ne négligent pas cette région. Ce déplacement rappelle que les États-Unis continuent de diriger les tentatives contre l’Iran. Israël et l’Arabie saoudite, qui craignent l’Iran par-dessus tout et qui sont les plus proches alliés des États-Unis dans la région, sont les piliers de ces tentatives anti-iraniennes. L’Arabie saoudite et Israël continuent d’entretenir des contacts non officiels, mais pas tellement secrets, partageant des informations dans le cadre de leurs intérêts. Pourquoi ne pas rendre ces contacts officiels ?
Une rencontre Netanyahu-ben Salmane constituerait le point de repère des efforts de l’administration Trump pour isoler et contenir l’Iran. L’indifférence des pays arabes vis-à-vis du transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem [Qods, NDLR] aurait donné au prince héritier la confiance nécessaire pour que ses relations avec Israël soient rendues publiques au bon moment. Sur un plan plus politique, cela détournerait sûrement l’attention du public et des médias des problèmes auxquels est actuellement confronté chacun des trois dirigeants impliqués.
Cela accorderait au président américain Donald Trump un répit pour les disputes concernant la fermeture du gouvernement et sa décision brutale de se retirer de la Syrie. Pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, confronté à des problèmes de politique intérieure et à une nouvelle élection, ce serait une avancée spectaculaire tout comme la visite d’Anouar el-Sadate, ancien président égyptien, à Jérusalem [Qods, NDLR] en 1977. Et pour le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, cela pourrait redorer une partie de son blason, terni par le meurtre de Jamal Khashoggi (affaire dans laquelle les Saoudiens insistent sur le fait que le prince héritier n’est pas impliqué).
Une telle rencontre n’offrirait que des avantages pour Donald Trump et Benjamin Netanyahu. Mais pour le prince héritier saoudien, cela impliquerait certains risques. Coopérer ouvertement avec Israël sans résoudre l’avenir de Jérusalem [Qods, NDLR] et de ses lieux saints islamiques susciterait certainement l’opposition des Saoudiens religieux, bien que cette opposition soit sotto voce, étant donné la sévère répression des opposants nationaux par le prince héritier.
Depuis deux ans, le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, s’emploie à unir Israël et l’Arabie saoudite dans le cadre d’un accord connu sous le nom de “Deal du siècle” et des efforts destinés à normaliser leurs relations diplomatiques. Il n’est pas évident que l’Arabie saoudite et Israël soient prêts à aller si loin, mais il semble fort probable qu’ils soient prêts à oublier la question palestinienne, jugée insoluble, et à coopérer ouvertement avec les États-Unis pour marginaliser l’Iran : un pays qui connaît une influence croissante en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen, ce qui incite l’Arabie saoudite et Israël à élargir leurs relations.
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a fait allusion au fait qu’il pourrait y avoir un rapprochement officiel. Lors de sa visite aux États-Unis en avril, Mohammed ben Salmane a publiquement déclaré que le peuple juif, comme “chaque peuple, où qu’il soit, a le droit de vivre en paix”.
Il a ensuite mis en avant une justification islamique : “Notre prophète a épousé une femme juive.”
Jusqu’à récemment, une réunion publique entre le Premier ministre israélien et le dirigeant de facto de l’Arabie saoudite aurait semblé impossible tout comme la visite du président Nixon en Chine en 1972 et le sommet de Trump/Kim Jong-un en Corée du Nord, l’an dernier.
La nouvelle réalité balaye souvent la logique de l’impossibilité. Et M. Trump aime les spectacles. Imaginez-le en train de regarder le drame historique à la télévision ou de s’envoler pour Riyad afin de prendre part à ce spectacle. »
Source: PressTV