L’échec saoudien dans la guerre au Yémen n’échappe pas aux journalistes arabes. La coalition est arrivée au bout du rouleau au Yémen et c’est à se demander s’il est désormais exact ou non de parler d’une coalition saoudo-émiratie dans les analyses portant sur le Yémen. Le général de division libanais, Hicham Jaber qui est politologue et historien, estime que l’Arabie saoudite aurait tout intérêt à revenir sur sa politique régionale.
« Est-ce que les évolutions en cours à Aden sont le résultat d’une connivence entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ? » « Non », dit l’analyste libanais dans une interview avec la chaîne Al-Jazeera :
« Ce qui est en train de se produire à Aden n’est pas dans l’intérêt de l’Arabie saoudite. C’est plutôt le signe de sa faiblesse. Les Saoudiens ont pourtant eu la sagesse de prendre, au moins cette fois, la bonne décision, en appelant leurs forces à Aden à capituler ; sinon, il aurait été impossible de maîtriser le combat de rue dans cette ville. L’Arabie saoudite a réalisé que le rapport de forces à Aden n’est plus en sa faveur. »
« Les EAU disposent de 90 000 paramilitaires au sud d’Aden et ils sont forts en termes d’armement ; or, le groupe soutenu par l’Arabie saoudite ne compte qu’environ 15 000 membres qui sont d’ailleurs en position de faiblesse. Le perdant de ces évolutions est certes l’Arabie saoudite. Les Émirats arabes unis ont réalisé que la guerre au Yémen n’aurait aucun résultat ; ils travaillent donc à une stratégie de sortie de cette guerre. Peut-être que les Saoudiens cherchent à parvenir à un consensus avec les EAU afin de pouvoir asseoir leur mainmise sur certaines provinces du sud et du sud-est yéménites comme Hadramaout et Chabwa. Mais à Aden, c’est-à-dire au centre du front du Sud, les EAU ont déjà gagné le jeu. Ce qui s’est passé à Aden était un coup de grâce au gouvernement de Mansour Hadi. La coalition saoudienne est arrivée au bout du rouleau au Yémen. »
« Le bon sens exige que l’Arabie saoudite, aussi, cherche une stratégie de sortie au Yémen avec un minimum de dégâts. Je ne veux pas dire qu’avec ce qui s’est produit à Aden, les conflits sont terminés dans le Sud yéménite ; les évolutions d’Aden promettent en réalité un nouveau chapitre dans la guerre. Et ces évolutions semblent être dans l’intérêt des Houthis qui ont reconnu le Conseil de transition du Sud, avant d’annoncer qu’il existait désormais une possibilité d’essayer de parvenir à une solution à la crise yéménite. L’Arabie saoudite doit elle aussi revenir sur ses politiques qui se sont soldées par l’échec. Le plus grand échec des Saoudiens est l’absence de tout résultat tangible après quatre ans de guerre. »
« Les Saoudiens devraient ouvertement demander aux Émiratis pourquoi ils suivent une stratégie de sortie du Yémen et pourquoi ils ont établi des moyens de contact avec l’Iran. Le suivisme absolu envers les États-Unis a poussé les Saoudiens dans un cercle vicieux dont ils doivent s’en sortir par la révision de leur approche. Leur premier pas doit se faire au Yémen et le deuxième, face à l’Iran qui se montre toujours ouvert au dialogue avec des pays voisins et des États de la région. Si les Saoudiens souhaitent véritablement préserver ce qui reste de leurs richesses, leurs intérêts et leur image régionale, ils devront abandonner leur stérile politique de fuite en avant. »
Abou Dhabi exhorte au dialogue lors d’entretiens en Arabie saoudite
Entre-temps, le sud du Yémen a été au centre des échanges entre le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed (MBZ), en visite en Arabie saoudite, et son homologue saoudien Mohammed ben Salmane (MBS).
« Le dialogue est le seul moyen de régler les différends entre les Yéménites », a argué lundi 12 aout, MBZ lors d’une rencontre avec le roi Salmane d’Arabie saoudite et MBS.
A Aden, des affrontements sanglants ont opposé de mercredi à dimanche le « Cordon de sécurité », une force militaire liée aux séparatistes et formée par les Emirats arabes unis, aux troupes du gouvernement démissionnaire, soutenues par Ryad.
Séparatistes et pro-saoudiens combattent pourtant tous deux depuis 2015 au sein du même camp contre les forces yéménites (armée + Ansarullah), avec le soutien d’une coalition militaire emmenée par Ryad, à laquelle participent les Emirats.
Dimanche, l’Arabie saoudite a mené une frappe aérienne contre une zone séparatiste à Aden afin d’obtenir le retrait de leurs combattants de plusieurs casernes et du palais présidentiel qu’ils avaient conquis la veille.
Le gouvernement démissionnaire avait auparavant accusé les Emirats d’être « responsables du coup d’Etat » des séparatistes qui s’étaient emparés du palais présidentiel à Aden.
L’ONU a fourni un bilan de 40 morts et de 260 blessés, dont de nombreux civils, dans les combats d’Aden, où siège le gouvernement démissionnaire.
Sources: PressTV + AFP