L’armée turque vient de lancer son offensive contre le nord de la Syrie, dans la région située à l’est de l’Euphrate. L’objectif avoué de cette opération est double : chasser les milices kurdes de la région frontalière turco-syrienne et instaurer une zone-tampon de 120 km sur 30 km de large. Officiellement destinée à accueillir les réfugiés syriens présents en Turquie, cette zone serait une véritable curiosité juridique : un État décide unilatéralement de créer chez le voisin une sorte de territoire occupé, comme si ce genre de pratique définissait une nouvelle normalité internationale !
Notons qu’initialement cette zone devait faire l’objet d’un condominium informel entre Ankara et Washington, ce que confirme l’accord donné par Donald Trump à cette nouvelle violation de la souveraineté syrienne. C’est parce qu’il a été soumis à la pression du lobby pro-kurde que Trump a ensuite menacé Erdogan de mesures de rétorsion économique si jamais l’offensive turque était trop inhumaine. On croit rêver, mais non : on est en Amérique !
Ce cafouillage trumpesque, toutefois, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. La Turquie a beau négocier avec la Russie, elle n’est pas du tout résignée à lâcher le morceau en Syrie. Ses déconvenues successives dans la région d’Idlib l’ont poussée à chercher une compensation à l’est du pays, mais celle-ci est loin d’être symbolique. De facto, cette agression turque élargit le périmètre de la présence militaire et de l’influence politique d’Ankara. Elle retarde le rétablissement, pourtant indispensable, de la souveraineté de l’État syrien sur l’ensemble du territoire national.
En choisissant l’alliance américaine, les milices kurdes (YPG) se sont elles-mêmes jetées dans la nasse. Il est incroyable que des organisations aussi expérimentées aient pu commettre une telle erreur, mais nous ignorons les sollicitations de toute nature dont elles furent l’objet de la part de Washington et de ses officines. Si elles ne veulent pas finir comme les alliés précédents de l’Oncle Sam, il ne leur reste plus, désormais, qu’à prendre résolument le chemin de Damas. Ce qu’elles auraient dû faire depuis belle lurette !
Par Bruno Guigue
Source : Facebook