Les Libanais sont à nouveau descendus dans la rue vendredi pour protester contre la politique économique du pouvoir, quelques heures après les plus importantes manifestations depuis des années dans le pays provoquées par l’annonce de nouvelles taxes dans un contexte de crise économique persistante.
Pneus et bennes d’ordures brûlés, routes coupées, forces de sécurité en alerte. Des colonnes épaisses de fumée noire s’élèvent au dessus de la capitale Beyrouth et de nombreuses villes du pays.
Les banques, les écoles, les universités et les institutions publiques sont restées fermées en raison des craintes de dérapage.
Les manifestants ont bloqué d’importants axes routiers reliant Beyrouth aux autres régions avec des pneus en feu, selon des correspondants de l’AFP sur place. Pour le deuxième jour consécutif, ils ont coupé la route principale menant à l’aéroport international de la capitale.
Aux cris de « le peuple veut la chute du pouvoir », des manifestants ont commencé à se rassembler devant le siège du gouvernement dans le centre-ville de Beyrouth. Un convoi de motos s’est dirigé vers le siège du ministère de l’Intérieur.
Mettant de l’huile sur le feu, le ministre de l’Information Mohammad Choucair avait annoncé jeudi soir que les usagers seraient facturés, à partir de janvier 2020, 20 centimes de dollar (18 centimes d’euro) pour chaque appel effectué via des services tels que WhatsApp et Viber, ajoutant que la taxe rapporterait à l’Etat 200 millions de dollars par an.
Cette nouvelle taxe a provoqué l’ire des Libanais alors que le prix de la téléphonie mobile au Liban est déjà parmi les plus élevés. Le gouvernement est ensuite revenu sur cette décision.
Le Premier ministre Saad Hariri doit s’exprimer dans l’après-midi. Une réunion du gouvernement prévue dans la journée a été annulée, selon l’agence nationale ANI.
La veille, des Libanais en colère sont descendus spontanément par milliers dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol d’une classe politique accusée de corruption et d’affairisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence et où la vie est chère.
« Mesures nécessaires »
Les manifestations ont été déclenchées par une décision du gouvernement d’imposer une taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie Internet, à laquelle les autorités ont finalement renoncé sous la pression de la rue.
Elles sont les plus importantes depuis un mouvement de protestation en 2015 contre le pouvoir en raison de la crise des déchets, qui perdure elle aussi.
Dans les rues de Beyrouth, bennes à ordure calcinées, panneaux de signalisation cassés et éclats de verre brisé des devantures des magasins jonchent le sol après une nuit de manifestations marquées par des heurts entre manifestants et forces de sécurité.
Celles-ci ont tiré des gaz lacrymogènes contre les manifestants qui leur lançaient des bouteilles d’eau ou tentaient de briser leur cordon de sécurité devant les institutions d’Etat dont le siège du gouvernement.
Vingt-trois manifestants ont été blessés selon la Croix-Rouge libanaise, et 60 membres des forces de sécurité d’après la police.
Les manifestations devraient prendre de l’ampleur vendredi après-midi.
Sur Twitter, la ministre de l’Intérieur Raya al-Hassan a mis en garde contre tout « dommage causé aux biens publics et privés » et le blocage des routes, avertissant que les forces de sécurité prendraient « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des civils et de leurs biens ».
« Accumulation de griefs »
« Les manifestations sont le résultat d’une accumulation de griefs, conséquence principale d’une mauvaise gestion du gouvernement », a dit Sami Nader, directeur du groupe de réflexion Levant
Les manifestations sont selon lui « totalement spontanées ».
Ces dernières semaines la tension est montée au Liban sur fond d’aggravation de la situation économique, avec des craintes d’une dévaluation et d’une pénurie de dollars sur les marchés de change.
Le gouvernement s’est engagé en avril 2018 à engager des réformes lors d’une conférence internationale en contrepartie de promesses de prêts et de dons d’un montant total de 11,6 milliards de dollars.
Depuis plusieurs années son économie s’est détériorée, souffrant relativement de la guerre en Syrie voisine, dont les répercussions sont venues s’ajouter à une corruption endémique et des infrastructures en déliquescence.
La dette publique culmine à plus de 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB, troisième taux le plus élevé au monde après le Japon et la Grèce.
Source: Avec AFP