Selon les projections de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, la France sera la 10e puissance économique mondiale en 2024. Elle était 4e en 1992. Pendant ce temps, les pays asiatiques font une percée remarquable. Charles Gave, président de l’Institut des Libertés, livre son analyse sur cet effondrement à Sputnik France.
La dégringolade. En 1992, la France était au quatrième rang des puissances économiques à l’échelle du globe, selon les données la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). D’après les deux organismes internationaux, l’Hexagone n’aura plus que le 10e produit intérieur brut (PIB) du monde en 2024.
Pour Charles Gave, essayiste, financier et entrepreneur français, la politique économique des gouvernements successifs a mené au désastre, a-t-il expliqué au micro de Sputnik:
«Depuis 1992, la France a été soumise à l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché mondial. Je pense notamment à la Chine. Certains pays ont fait le nécessaire afin de garder leur compétitivité, c’est le cas de la Suède, par exemple qui a un PIB par habitant élevé.
La France a choisi la défensive. Depuis 1992, le poids de l’État dans l’économie a augmenté. Avec la crise actuelle, il doit dépasser les 60%. Je pense qu’il n’y a pas un pays dans l’Histoire qui a réussi à maintenir de bonnes performances économiques sur la durée avec un poids aussi important de l’État dans l’économie.»
Pour le financier, «le poids de l’État est une charge pour les entreprises» et le recul de la France au classement en est une conséquence. «Nous avons choisi de mettre en place une sorte de Ligne Maginot économique afin de nous protéger, mais comme toujours, les stratégies défensives tuent», ajoute-t-il.
«L’euro a tué la croissance en Europe»
La France n’est pas seule à subir une impressionnante chute. Certains pays européens sont encore plus mal lotis.
Ainsi l’Italie, cinquième puissance économique mondiale en 1992 sortira du top 10 en 2024, d’après les estimations des organismes internationaux. Même sort pour l’Espagne, qui était pourtant à la 7e position en 1992. Le Royaume-Uni, 6e en 1992 se retrouve en 9e position dans les projections de la Banque mondiale et du FMI pour 2024. Même l’Allemagne, actuellement première puissance économique d’Europe, devrait accuser une chute dans le classement: du 4e PIB mondial en 2008, elle passerait à la 7e position.
Le traité de Maastricht, texte fondateur de l’Union européenne, a été signé en 1992. Or tous les pays européens présents dans le top 10 des plus importants PIB mondiaux cette année-là ont chuté au classement entre 1992 et 2024, estiment la Banque mondiale et le FMI. Faut-il y voir un lien? Pour Charles Gave, c’est évident:
«L’euro a tué la croissance en Europe. Le sud de l’Europe a cessé de croître à cause d’un taux de change fixe imbécile: la monnaie unique. L’euro fait partie de ces dispositions stupides qui ont permis à l’Europe de se suicider. Après tout, ce n’est que le troisième en un siècle après les deux guerres mondiales. Il y a une telle volonté de sortir de l’Histoire chez les Européens que l’on va bien finir par y arriver.»
Selon le FMI et la Banque mondiale, Berlin serait doublée par une impressionnante Russie, qui passerait de la 9e place en 2008 à la 6e en 2024. Pourtant, les médias occidentaux multiplient les articles sur les soi-disant grandes difficultés de l’économie russe. Qu’en est-il réellement pour Charles Gave?
L’Asie et la Russie en force
«La situation de la Russie peut être comparée à celle de la Grande-Bretagne lors du blocus continental mis en place par Napoléon Bonaparte. À l’époque, cette dernière était en grande difficulté pour commercer avec l’étranger du fait du blocus et a été forcée de se recentrer sur elle-même. Londres a donc développé une industrie qui lui a permis de dépasser tous ses concurrents une fois la guerre finie», analyse-t-il.
«À force d’ostraciser la Russie, cette dernière est elle aussi forcée de se développer. Il y a 20 ou 30 ans, il n’y avait pas un seul fabricant de camembert en Russie. C’est le cas aujourd’hui. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Moscou est aujourd’hui capable de faire des choses qu’il était incapable de faire auparavant, notamment dans le développement pétrolier. Quand vous vous souvenez de l’URSS et que vous voyez que la Russie est aujourd’hui le premier exportateur mondial de blé et l’un des premiers exportateurs de céréales au monde, cela prête à sourire», poursuit-il.
L’autre enseignement d’importance à tirer de ces statistiques est la percée stupéfiante des pays asiatiques, dont les classes moyennes sont en plein essor. En 1992, seule la Chine était présente dans le top 10, en dernière position. 22 ans plus tard, l’Empire du Milieu devrait ravir à la toute-puissante Amérique la place de première économie mondiale. Quant à l’Inde et l’Indonésie, pays peuplés de respectivement 1,353 milliard et 267,7 millions d’habitants, elles étaient absentes du top 10 en 1992 et se retrouveront aux 3e et 5e positions en 2024.
«À partir du moment où les dictatures s’effondrent et où l’ouverture au commerce mondial remplace l’enfermement sur soi et le protectionnisme exacerbé, ces pays commencent à s’enrichir. C’est fou! Durant ces 30 dernières années, l’Asie a adopté le capitalisme quand l’Europe a décidé d’en sortir. Voyez le résultat», explique Charles Gave, également président de l’Institut des Libertés.
D’après lui, «pour créer de la richesse, il faut stimuler la concurrence et les initiatives», ce que ne ferait plus la France. «Avant, nous étions indépendants, concurrentiels et vaillants. Aujourd’hui, ce sont les Asiatiques qui le sont. Sans parler du fait qu’eux n’ont pas de taux de change fixe, cette bêtise inventée par les fonctionnaires européens», souligne-t-il.
Il y a plus d’individus vivant dans le cercle qu’en dehors.
L’Indonésie va également bénéficier d’une augmentation considérable de sa main-d’œuvre, ce qui devrait faire évoluer à la hausse le revenu disponible moyen, d’après le Forum économique mondial. «C’est beaucoup une question de population. Environ deux tiers de la population mondiale vit en Asie», rappelle Charles Gave. En outre, d’importantes compagnies asiatiques ont fait leur apparition, telles que le fabricant chinois de smartphones Huawei, désormais numéro un mondial ou le groupe industriel indien Tata. D’autres devraient suivre dans les années à venir.
Les États-Unis n’auront plus le premier PIB mondial en 2024
Du côté du continent asiatique, seul le Japon devrait perdre des places entre 1992 et 2024 en passant de la 2e à la 4e position. Si le FMI et la Banque mondiale ont vu juste, il y aura quatre pays asiatiques dans le top 5 des puissances économiques mondiales en 2024. L’Europe en est quant à elle éjectée.
Enfin, concernant le continent américain, seuls les États-Unis et le Brésil sont présents dans le top 10 des puissances économiques. D’après les projections, les premiers seraient donc 2e derrière la Chine et le Brésil conserverait sa 8e place, qu’il occupait déjà en 2008.
Charles Gave relativise cette perte de la première place par les États-Unis:
«En PIB par habitant, les États-Unis restent loin devant la Chine. La productivité moyenne d’un employé chinois représente environ 20% de celle d’un Américain. Que le PIB chinois dépasse celui des États-Unis n’est pas étonnant. Vous avez d’un côté 1,4 milliard d’habitants, contre 328 millions de l’autre.»
Source: Sputnik