Alors que le président Donald Trump a popularisé depuis 2018 l’expression de «pression maximale» contre Téhéran pour symboliser sa politique de bras de fer avec la République islamique, celle-ci a raillé le dimanche, 20 septembre, «l’isolement maximal» des États-Unis après leur proclamation unilatérale d’un retour des sanctions de l’ONU contre Téhéran.
Une démarche américaine rejetée par Moscou mais aussi par les pays européens parties à l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015 et dont sont sortis les États-Unis en 2018, déjà unilatéralement.
Or, les États-Unis ont proclamé dans la nuit de samedi à dimanche que les sanctions des Nations unies contre l’Iran – suspendues en 2015 par ce même accord – étaient de nouveau en vigueur.
Un coup de force pour lequel Washington se retrouve néanmoins très isolé, les États-Unis étant presque les seuls au monde à estimer qu’elles sont rétablies et de nouveau en vigueur.
Un isolement qui n’a pas empêché le secrétaire d’État américain Mike Pompeo de se féliciter de cette nouvelle épreuve dans les relations conflictuelles entre Washington et Téhéran : «Aujourd’hui, les États-Unis saluent le retour de quasiment toutes les sanctions de l’ONU contre la République islamique d’Iran» depuis dimanche minuit GMT.
«Le monde entier dit que rien ne s’est passé. Cela s’est simplement passé dans le monde imaginaire» de Mike Pompeo, a réagi Saeed Khatibzadeh, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse dimanche.
«Isolement maximal»
Pour le président iranien Hassan Rohani, la politique de «pression maximale» menée par l’administration de Donald Trump sur l’Iran s’est transformée en «isolement maximal» des États-Unis.
Le geste de défi des Américains au reste du monde risque d’accroître les tensions internationales car le gouvernement américain menace de mettre en place un système de sanctions dites secondaires pour punir tout pays ou entité qui violerait ces sanctions.
Une nouvelle illustration de ce qu’on a l’habitude d’appeler l’extraterritorialité du droit américain, c’est-à-dire que celui-ci ne s’applique pas seulement sur le sol des États-Unis, mais plus largement sur la planète.
Mike Pompeo a ainsi promis que des «mesures» américaines seraient annoncées contre «ceux qui violent les sanctions de l’ONU».
À six semaines de l’élection présidentielle où il brigue un second mandat, Donald Trump pourrait dévoiler ces mesures lors de son discours mardi à l’Assemblée générale de l’ONU.
Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a répliqué ce dimanche sur Twitter en accusant Mike Pompeo de «menacer de punir un monde qui refuse de vivre dans l’univers parallèle» des Américains, affirmant que «le (reste du) monde avait dit NON» au retour des sanctions.
Les autres grandes puissances, la Russie, la Chine mais aussi les alliés européens des Américains, contestent la décision américaine.
Le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé une initiative américaine «illégitime» ne pouvant avoir «de conséquences légales internationales».
Les chefs de la diplomatie française, allemande et britannique ont affirmé dans une déclaration commune que l’initiative était «sans effet en droit».
Le ministère iranien des Affaires étrangères a prévenu dans un communiqué que «si les États-Unis mettent en œuvre leurs menaces, directement ou via la coopération de certains de leurs alliés (…), ils seront responsables de toutes les conséquences dangereuses».
«Snapback»
Pour comprendre ce face-à-face entre les USA et le reste de la planète, il faut revenir un mois en arrière.
Le gouvernement Trump essuie mi-août un revers retentissant au Conseil de sécurité dans sa tentative de prolonger l’embargo sur les armes conventionnelles visant Téhéran qui expire en octobre.
Accusant dans une attaque d’une rare violence Paris, Londres et Berlin d’avoir «choisi de s’aligner sur les ayatollahs» au pouvoir en Iran, Mike Pompeo déclenche le 20 août la procédure de «snapback», censée rétablir un mois plus tard toutes les sanctions onusiennes contre l’Iran.
Donald Trump, jugeant insuffisant l’accord sur le nucléaire iranien négocié par son prédécesseur Barack Obama, s’était retiré en mai 2018 du pacte et avait rétabli dans la foulée les sanctions américaines contre Téhéran.
Un an plus tard, l’Iran a commencé à s’affranchir de certains engagements pris dans le cadre de l’accord.
Dans une pirouette juridique, les États-Unis invoquent à présent leur statut de pays «participant» à cet accord pour activer le «snapback», ce que conteste la quasi-totalité des autres membres du Conseil de sécurité.
Au vu de leur retrait de l’accord, les États-Unis «ne peuvent pas initier un retour des sanctions», a estimé Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne.
«Il ne va rien se passer», assure un diplomate à l’ONU. «C’est comme quand on appuie sur la gâchette et que la balle ne part pas.»
Source: Avec AFP