Cinq Irakiens ont déposé plainte mardi à Paris pour «crimes contre l’humanité, torture et disparitions forcées» contre l’ancien premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi pour des actes commis lors des manifestations de la «révolution d’octobre», a indiqué à l’AFP leur avocate.
La plainte a été déposée auprès du parquet spécialisé dans la lutte contre les crimes contre l’humanité au tribunal judiciaire de Paris, a précisé leur avocate, Me Jessica Finelle.
Les plaignants — l’un grièvement blessé, un deuxième porté disparu et les trois autres décédés, sont représentés par leur famille — «attendent beaucoup des juridictions françaises, à commencer par la reconnaissance de leur statut de victime», a-t-elle souligné dans un communiqué.
À partir d’octobre 2019, des centaines de milliers d’Irakiens ont manifesté pendant plusieurs mois pour dénoncer la corruption du pouvoir. Baptisée la «révolution d’octobre», cette révolte inédite réclamait également des services et des emplois pour tous.
«Bien que la Constitution irakienne garantisse le droit à la liberté d’expression et de réunion, ces manifestations ont été, dès le début, puis de manière répétée et systématique, réprimées avec une brutalité inouïe: tirs à balles réelles, snipers prépositionnés, usage de grenades lacrymogène brise-crâne à bout portant», développe l’avocate.
Celle-ci évoque des «enlèvements de manifestants, des détentions sans mandat, des actes de torture — autant de graves violations des droits de l’homme constatées par l’Unami», la mission de l’ONU en Irak.
Officiellement, près de 600 personnes ont été tuées et 30 000 blessées, quasiment tous des manifestants, depuis le 1er octobre 2019. Les assassinats et les enlèvements de militants se poursuivent à Bagdad et dans le sud de l’Irak, mais les autorités assurent ne pas pouvoir identifier les auteurs.
Dans sa plainte de 80 pages, Me Finelle documente «l’implication des autorités et en particulier celle du premier ministre» Abdel Mahdi, également commandant-en-chef des armées jusqu’à son remplacement en mai 2020.
«L’ancien Premier ministre n’a pas pris les mesures en son pouvoir pour empêcher ces crimes, il a délibérément favorisé l’installation d’un climat d’impunité encourageant leur renouvellement» et «il n’a pas usé de son pouvoir disciplinaire ni saisi les juridictions irakiennes — ou alors de manière insignifiante au regard de leur gravité», détaille Me Finelle.
Cette plainte déposée à Paris en vertu de la compétence universelle de la France en matière de tortures et de disparitions forcées s’appuie également sur le fait que M. Abdel Mahdi a vécu sur le territoire français, par intermittence, pendant une trentaine d’années, selon les parties civiles. Il se trouve toutefois actuellement en Irak.
En novembre 2019 déjà, le parquet suédois avait annoncé ouvrir une enquête contre un ministre irakien pour «crimes contre l’Humanité», également en raison de la mort de centaines de manifestants.
Source: Avec AFP