L’Algérie a de nouveau manifesté sa colère dimanche après des « propos irresponsables » prêtés à Emmanuel Macron, en interdisant de facto le survol de son territoire aux avions militaires français en partance pour la bande sahélo-saharienne, après avoir rappelé samedi son ambassadeur en France.
A l’origine de la colère d’Alger, des déclarations du président français, retranscrites samedi par le quotidien Le Monde et non démenties par l’Elysée, tenues lors d’un échange avec une vingtaine de jeunes descendants de protagonistes de la Guerre d’Algérie (1954-1962).
M. Macron y estime qu’après son indépendance, le pays s’est construit sur « une rente mémorielle », entretenue par le « système politico-militaire ».
« Ce matin, en déposant les plans de vol de deux avions, nous avons appris que les Algériens fermaient le survol de leur territoire aux avions militaires français » qui empruntent habituellement l’espace aérien algérien pour rejoindre le Sahel, où sont déployés 5.000 militaires français, a déclaré à l’AFP le porte-parole de l’état-major, le colonel Pascal Ianni, confirmant des informations révélées par le quotidien Le Figaro.
L’état-major n’a reçu aucune notification officielle de cette décision, a-t-il précisé. Sollicité par l’AFP, le ministère français des Affaires étrangères n’avait pas encore officiellement réagi dimanche en milieu de journée.
« Cela perturbe très légèrement le flux de soutien, les avions doivent adapter leur plan de vol, mais cela n’affecte pas les opérations » menées par la France au Sahel, a relativisé le colonel Ianni, assurant que l’état-major français n’avait « pas d’inquiétude à ce stade ». « C’est d’abord une question diplomatique », a-t-il conclu.
Les missions françaises de renseignement au Sahel, effectuées au moyen de drones Reaper, ne sont pas non plus affectées, souligne-t-il. Ces drones opèrent à partir de Niamey, au Niger, et ne survolent pas l’Algérie.
Cette interdiction de survol intervient toutefois dans une phase logistique délicate pour l’état-major français, qui a entamé ces dernières semaines une réorganisation de son dispositif dans la bande sahélo-saharienne, et en particulier dans le nord du Mali, frontalier de l’Algérie.
La France est en train de quitter les bases militaires les plus au nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Tessalit) et va réduire le nombre de troupes au Sahel, d’ici 2023, à 2.500 ou 3.000 hommes, contre plus de 5.000 aujourd’hui.
Les relations entre Paris et Alger se sont fortement tendues ces derniers jours, alors qu’approche le 60ème anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie et de son indépendance.
Selon l’article du Monde qui a mis le feu aux poudres, M. Macron aurait évoqué devant de jeunes descendants de protagonistes de la Guerre d’Algérie « une histoire officielle totalement réécrite » qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ».
Dans son échange, M. Macron aurait assuré avoir « un bon dialogue avec le président (algérien, Abdelmajid) Tebboune ». « Je vois qu’il est pris dans un système qui est très dur », aurait-il cependant ajouté.
Dans un communiqué samedi, la présidence algérienne a exprimé son « rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures » et a annoncé le « rappel immédiat pour consultation » de son ambassadeur à Paris.
Mercredi, l’ambassadeur de France François Gouyette avait par ailleurs été convoqué au ministère des Affaires étrangères algérien pour se voir notifier « une protestation formelle » après la décision de Paris de réduire de moitié les visas accordés aux Algériens souhaitant se rendre en France.
Source: AFP