Cela fait référence à la manière dont le régime colonial sioniste et son projet colonial sont présents jusque dans les moindres détails et dans les espaces les plus intimes de la vie des Palestiniens.
Une analyse politique de « l’intimité » en particulier dans les foyers palestiniens, permettra d’illustrer la manière dont le colonialisme s’infiltre même dans les coins les plus privés, généralement considérés comme isolés ou, pour le moins, moins exposés à l’entité coloniale.
L’approche intime de la politique permet également d’observer comment la présence quotidienne et routinière de l’occupation affecte la vie et les relations interpersonnelles des colonisés.
Par exemple, grâce à cette perspective intime, il est possible d’analyser l’impact psychologique de la réception d’un avis de démolition de maison, ou la façon dont la reconstruction d’une maison chaque fois qu’elle est démolie peut finalement affecter la santé mentale des personnes impliquées dans ce processus.
Ce type d’analyse ne doit pas être interprété comme une rupture avec l’étude du colonialisme, mais plutôt comme un moyen de souligner à quel point le colonialisme est envahissant et pénètre les ménages.
En d’autres termes, une perspective sur la micropolitique des espaces intimes complète l’analyse macropolitique du colonialisme.
Les maisons palestiniennes sont régulièrement évacuées, démolies et perquisitionnées. Cette violation de l’espace intime n’est ni récente ni uniquement provoquée par la prétendue réaction aux événements du 7 octobre.
Par exemple, en 2016, les données publiées par les médias israéliens eux-mêmes indiquaient une démolition hebdomadaire moyenne de 20 structures.
Un autre exemple de cette destruction de maisons a été documenté par le journaliste et auteur palestinien Ramzy Baroud, qui a rapporté en 2017 comment le village bédouin palestinien d’al-Araqeeb a été démoli plus de 116 fois.
Outre les démolitions de maisons, l’occupation sioniste se manifeste d’autres manières dans l’espace quotidien, comme le harcèlement de l’État visant à forcer les habitants à abandonner leurs maisons ou les ordres d’expulsion qui, dans le contexte colonial palestinien, pourraient être définis comme une légitimation de ce harcèlement.
Il n’est pas rare que des familles palestiniennes soient expulsées de leur maison où elles vivent depuis des décennies. Dans la partie occupée de Jérusalem-Est [Qods occupée], il existe des zones où les mouvements de colons, soutenus et protégés par le régime militaire et la structure juridique de l’entité coloniale, attaquent et intimident les résidents palestiniens afin de les expulser de leurs maisons.
Le géographe Sabrien Amrov souligne comment la violence et l’occupation de la vie quotidienne se manifestent dans la perception militaire appliquée aux foyers palestiniens.
Dans une infographie publiée en 2014 par l’armée israélienne intitulée « When is a House a Home? » (Quand une maison est-elle une maison ?), une maison palestinienne typique est décrite d’un point de vue militarisé.
La chambre à coucher a été identifiée à une « salle d’opérations », tandis que le salon était considéré comme un « dépôt d’armes ». Par cet exercice discursif, l’armée israélienne justifie ses attaques contre des infrastructures typiquement conçues comme des espaces civils, des lieux de refuge et de protection.
Ce processus discursif relie les deux aspects de l’occupation coloniale sioniste : le microcosme représenté par les foyers et l’intimité, et le macrocosme représenté par le territoire palestinien dans son ensemble.
Dans les deux domaines, l’objectif est de déposséder les Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres.
Les deux récits coloniaux mettent en évidence l’intégralité de l’occupation, sa présence dans la vie quotidienne des Palestiniens et l’impossibilité de trouver des espaces de refuge, tant physiquement que politiquement.
Du point de vue des maisons, il est crucial de noter comment elles ont cessé d’être de simples espaces familiaux isolés de l’extérieur colonial et se sont transformées en ce qui est considéré comme des « champs de bataille ».
Cette intrusion inattendue de la guerre dans la sphère privée du foyer a représenté, pour les civils en Palestine comme en Irak ou en Afghanistan, la forme la plus profonde de traumatisme et d’humiliation.
En ce sens, les maisons palestiniennes ne sont plus seulement des espaces d’intimité de plus en plus restreintes, mais des lieux d’occupation, de contrôle et de dépossession.
D’un point de vue théorique, une ville dans un contexte normal pourrait être délimitée par deux types de murs : les murs extérieurs définissant son périmètre et façonnant l’espace public, et les murs intérieurs séparant les espaces intimes ou privés.
Cependant, dans des contextes coloniaux comme la Palestine, la séparation entre le public et l’intime disparaît. L’ensemble de l’espace est délimité par l’occupation coloniale, des espaces ouverts aux pièces individuelles.
L’image évoquée dans le cas de la Palestine, où les frontières s’estompent entre l’extérieur et l’intérieur de la maison, est celle d’un camp de concentration. Dans un tel contexte, il n’existe pas d’espace intime où se réfugier contre la violence.
En Palestine, les familles ne sont pas en sécurité même dans leur chambre, dans leurs espaces les plus privés et les plus intimes.
La colonisation de la vie quotidienne et de l’intimité est une autre conséquence du système colonial sioniste, qui constitue une raison supplémentaire de résister.
Par Xavier Villar, titulaire d’un doctorat en études islamiques, est un chercheur basé en Espagne.
Source: Press TV