La coalition internationale a indiqué vendredi que les forces irakiennes observaient une « pause » d’environ deux jours dans leur offensive pour reprendre au groupe terroriste wahhabite Daech (EI) la ville de Mossoul.
« L’objectif est de consolider les gains obtenus durant les douze jours premiers d’opérations », a allégué le colonel américain John Dorrian, un porte-parole militaire de la coalition internationale menée par Washington.
« Ensuite, la marche sur Mossoul reprendra », a-t-il ajouté lors d’une vidéoconférence depuis Bagdad, précisant que cet arrêt temporaire faisait partie du plan initial.
Quelques heures après cette annonce, un communiqué militaire irakien a toutefois indiqué « que les opération militaires continuaient » !
Cette annonce américaine survient au moment où une vive polémique sur la participation de la Turquie dans la bataille de Mossoul oppose Bagdad à Ankara.
Selon des sources irakiennes citées par le journal libanais al-Akhbar, « près de 70% du soutien de la coalition internationale à l’Irak a été gelé sur fonds de la crise entre Bagdad et Ankara, mais aussi de la polémique liée à la décision du Hached Chaabi de prendre à sa charge la libération de la région de Tallafar ».
Par ailleurs, des sources politiques éminentes irakiennes ont confié à al-Akhbar que « les Etats-Unis font pression sur Bagdad depuis plusieurs jours pour permettre à la Turquie de participer à la bataille de Mossoul, et pour entraver les plans du Hached Chaabi à Tallafar. Cette pression US a atteint son paroxysme avec l’annonce de la pause dans les opérations de Mossoul ».
Pendant ce temps, le chef de la « coalition nationale », Sayed Ammar el-Hakim, tente de jouer le rôle d’observateur au cours d’une opération militaire du Hached Chaabi à Tallafar, le front préféré de cette force paramilitaire à Ninive, comme le confirment les déclarations de ses dirigeants.
En effet, le plan de la reprise de Mossoul consistait, selon plusieurs sources, à laisser le front de Tallafar exempt de toute force militaire, afin de pousser les miliciens de Daech à le traverser pour rejoindre la région Baaj, liée à la frontière syrienne.
Mais il semble que le Premier ministre irakien Haydar Abadi a remanié ce plan et approuvé le déploiement du Hached Chaabi. Immédiatement, le commandement du Hached Chaabi a nommé les formations qui opèreront près de Tallaafar : les brigades Hezbollah d’Irak, les brigades Ahlul Haq, et les brigades d’Achoura, affiliées au conseil islamique suprême dirigé par Sayed al-Hakim.
De sources citées par al-Akhbar ont expliqué que « la force précitée pourrait se déployer dans des positions proches du camp de l’armée turque, ce qui suscite des craintes d’une possible confrontation à l’ombre de la grande tension entre les deux parties ».
Le Hached Chaabi tente en effet d’interdire aux miliciens de Daech de fuir vers la Syrie, ce qui resserrera l’étau sur les terroristes qui combattront jusqu’au dernier souffle.
Le Hached Chaabi au cœur de la bataille de Mossoul
Pendant ce temps, le média militaire du Hached Chaabi a annoncé le lancement des opérations pour la libération de Mossoul. Ses forces ont progressé de la région Sin-Zobban sur trois axes vers la partie ouest de Mossoul.
De même source, rapportée par l’agence de presse iranienne Tasnim, on indique que Daech n’oppose aucune résistance pour l’instant.
Et d’expliquer que les opérations du Hached Chaabi ne consistent pas à entrer au centre-ville de Mossoul, mais il s’agit de nettoyer de vastes régions qui l’entourent, et renfermant des repaires et des centres de commandement de Daech, ainsi qu’une voie de ravitaillement reliant les deux provinces de Salahedine et d’al-Anbar.
Selon la même source, le Hached Chaabi n’est pas chargé d’entrer au centre-ville.
900 morts de Daech
Les forces irakiennes fédérales et kurdes ont progressé plus rapidement que prévu, selon des responsables, et se sont déjà emparées de localités et villages aux environs de Mossoul.
Dans un entretien accordé à l’AFP, le général américain Joseph Votel, chef du Commandement central de l’armée américaine (Centcom), estimait jeudi que les forces irakiennes avaient « probablement tué environ 800 à 900 combattants de l’EI » jusqu’à présent.
Massacre de masse commis par Daech
Vendredi, l’ONU a indiqué que l’EI avait exécuté par balles cette semaine plus de 250 personnes, dans et autour de Mossoul, son fief en Irak.
L’EI aurait en outre kidnappé près de 8.000 familles autour de Mossoul, vraisemblablement pour les utiliser comme « boucliers humains », d’après les Nations unies.
« La stratégie dépravée et lâche (de l’EI) consiste à essayer d’utiliser la présence des civils pour mettre des zones ou des combattants à l’abri des opérations militaires », a ainsi affirmé le Haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein.
Ces tueries, qui « ont été corroborées dans la mesure du possible » selon l’ONU, ne seraient que les dernières d’une série d’atrocités perpétrées par l’organisation extrémiste depuis 2014.
– Situation ‘inquiétante’ –
Depuis le début de l’offensive sur Mossoul le 17 octobre, l’avancée des forces de sécurité irakiennes a permis de resserrer l’étau sur Mossoul par le nord, l’est et le sud, mais le nombre de personnes fuyant l’EI augmente et le spectre d’un déplacement massif de civils grandit de jour en jour.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 16.566 personnes ont été déplacées depuis le début des opérations militaires. « Nous avons constaté une augmentation spectaculaire dans les chiffres ces derniers jours et (les civils) vont maintenant dans les camps récemment mis en place », a déclaré à l’AFP Karl Schembri, du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC).
Selon lui, la situation « est déjà inquiétante » alors que les forces irakiennes ne sont pas encore entrées dans la ville. Au moment où cela arrivera, « on assistera à un déplacement de masse ».
– ‘Limiter la destruction’ –
Un autre enjeu de taille concerne la relation entre Bagdad et la région autonome kurde (nord-est), dont les forces peshmergas ont joué un rôle dans la guerre contre l’EI, combattant les terroristes mais aussi étendant les territoires qu’elles contrôlent au-delà de leur frontière officielle.
Cela poserait surtout problème si le Kurdistan irakien fait pression pour son indépendance, un sujet que le Premier ministre de cette région a dit vouloir remettre sur la table après la prise de Mossoul.
« Aussitôt Mossoul libérée, nous allons nous réunir avec nos partenaires à Bagdad et discuter de notre indépendance », a affirmé Nechirvban Barzani au quotidien allemand Bild. « Nous ne sommes pas arabes, nous sommes notre propre nation kurde. (…) A un moment, il y aura un référendum sur l’indépendance du Kurdistan ».
Sources: AFP, Tasnim, al-Akhbar
Source: Divers