Aucun terme n’est aussi convoité ces temps-ci que le celui de « corridor ». Les Israéliens et leurs alliés le mettent à toutes les sauces à chaque fois qu’il s’agit d’évoquer les victoires de l’axe de la Résistance contre Daech, en Syrie ou en Irak. L’Iran et ses alliés sont ainsi sans cesse accusés de vouloir s’approprier un corridor les reliant à la Méditerranée. Mais d’où vient ce complexe de « corridor » chez les Israéliens?
En 2003, quand les Américains ont envahi le sol pétrolifère d’Irak, tout le monde se demandait quel rôle compte jouer Israël dans cette nouvelle équipée militaire américaine. La réponse n’a pas tardé à venir. Peu de temps après l’invasion du pays, une opération s’est déclenchée sur les rives de l’Euphrate du nom de « Lac sauvage ».
Son objectif ?
Permettre aux Israéliens de prendre le chemin de l’Irak et d’y acheter du terrain. Où? Ces terrains se situaient entre Tal Afar et Mossoul. En l’espace de quelques mois, Israël a réussi donc à prendre le contrôle de l’une des plus importantes voies de transit située dans le nord de l’Irak.
Cette voie qui relie Mossoul aux frontières syriennes se trouve aussi à 80 kilomètres des frontières turques. Il a fallu quelques années aux Irakiens pour qu’ils comprennent le vrai objectif du projet « Lac sauvage ».
Quelque 150 Israéliens d’origine kurde ont ainsi débarqué dans cette zone située non loin de Mossoul. Avec un peu de chance, Israël comptait augmenter leur nombre jusqu’à 150.000, sous prétexte d’avoir à visiter les lieux saints du judaïsme et à s’y héberger. Ce fut ainsi que Tel-Aviv projetait de judaïser Mossoul et partant, la province irakienne de Ninive.
Dix ans plus tard, en 2015, l’ouverture d’un premier passage frontalier a été officiellement annoncée entre la Turquie et l’Irak : Ovaköy. Cette voie de transit, la plus courte située entre l’Irak et la Turquie, traversait un trajet de 50 kilomètres, les terrains achetés par les Kurdes israéliens.
Parallèlement, les dirigeants kurdes d’Irak, à la faveur de l’autonomie offerte par l’occupant américain, travaillaient à l’idée d’une extension du Kurdistan autonome à Dohouk, ville située au nord d’Irak, non loin des frontières de la Turquie.
L’ébauche d’un État kurde incluant outre Erbil, trois autres villes (Dohuk, Tal Afar et Mossoul) prenait peu à peu forme. Mais le projet « israélien » d’un État kurde avait besoin du « pétrole » pour pouvoir devenir un jour effectif. Kirkouk, ville à majorité arabe, dépositaire de vastes gisements pétroliers, a été donc choisie pour être annexée à l’État kurde pré-naissant.
Après tout, un pipeline reliait depuis la seconde moitié du XXe siècle la ville de Kirkouk à Banias en Syrie et ce, pour transiter entre autres, le pétrole de Kirkouk aux pays de la côte méditerranéenne. Le pipeline a été inactivé pendant la guerre de Saddam contre l’Iran, un Saddam qui a refusé, à l’époque, l’offre du Premier ministre israélien (Isaac Shamir) d’ouvrir l’oléoduc Kirkouk-Haïfa. Mais « Grand Israël » doit s’étendre de l’Euphrate au Nil.
Israël n’a pas pour autant renoncé à son ambition de posséder un « corridor reliant l’Irak à Haïfa » puisque « Grand Israël » devra s’étendre entre l’Euphrate et le Nil.
Il y a 9 ans, Tel-Aviv, en suivant le même schéma qu’au Kurdistan d’Irak, s’est intéressé au Soudan. Sous prétexte d’avoir détecté du « sang juif » chez les Soudanais du Sud, il a poussé ces derniers à réclamer un référendum d’autodétermination puis à faire sécession de la République du Soudan le 9 juillet 2011.
L’opération » Lac sauvage » a été donc reconduite cette fois au bord du Nil bleu et via le barrage de la Renaissance en Éthiopie. Vaste projet auquel prend largement part Israël et qui prive l’Égypte et dans une certaine mesure le Soudan de l’eau du Nil au profit d’Addis Abeba.
Complexe de « corridor »
Or, la guerre en Syrie et la défaite de Daech ont quelque peu mis à mal les plans israéliens: Daech, projet entièrement made in Mossad aurait dû faire tomber l’État syrien et ses richesses pétro-gazières dans l’escarcelle d’Israël. Depuis que l’armée syrienne et ses alliés du Hezbollah et des Hachd al-Chaabi contrôlent les frontières syro-irakiennes, le volet « Euphrate » de » Grand Israël » a du plomb dans l’aile.
La chute d’Abou Kamal puis Al Qaïm, de part et d’autre des frontières syro-irakiennes et leur reprise par l’axe de la Résistance, ont provoqué la panique au sein de l’état-major israélien.
D’où le recours un peu précipité de Tel-Aviv à un plan B, projet d’un État indépendant kurde dans le nord d’Irak. Or, les événements qui ont suivi le référendum du 25 septembre organisé par Barzani n’ont pas permis à Tel-Aviv d’avoir gain de cause. Ou pas tout à fait, car Israël ne va pas renoncer pour autant à ses ambitions expansionnistes. Voici en bref quelques projets alternatifs que les Israéliens pourront tenter pour débloquer la situation:
– Provoquer une escalade des tensions entre l’Arabie et le Liban ou encore entre l’Arabie et la Syrie dans l’objectif de déstabiliser le Liban.
– Provoquer une escalade des violences au Yémen.
– Annoncer l’hébergement forcé des Palestiniens au Sinaï sur fond d’un renforcement des opérations terroristes dans cette zone par Daech interposé.
Les analystes affirment qu’à chacune des étapes de ces plans alternatifs, l’Arabie de Ben Salmane a non seulement pour mission de contrer l’axe de la Résistance, mais encore de harceler l’Égypte de Sissi de façon à ce que Le Caire finisse par céder aux pressions d’Addis Abeba et par renoncer à sa part au Nil. Une chose est sûre : il est grand temps pour l’Égypte de se rapprocher de l’axe de la Résistance.
Source: Press TV