Trente imams de France ont rejeté mardi la thèse « funeste » selon laquelle le Coran appellerait au meurtre, évoquée dans un récent manifeste contre l’antisémitisme, tout en s’engageant à combattre la radicalisation d’une jeunesse ignorante et tentée de commettre des crimes « au nom de l’islam ».
« Nous appelons (…) le reste de nos concitoyens, notamment les intellectuels et les politiques, à faire preuve de plus de discernement », écrit le collectif d’imams dans une tribune publiée dans le journal Le Monde.
L’idée que le Coran lui-même appelle au meurtre est « d’une violence inouïe », écrivent les imams. « Elle laisserait entendre que le musulman ne peut être pacifique que s’il s’éloigne de sa religion », ajoutent les signataires, dénonçant une « ignorance néfaste » et contre-productive.
Lundi aussi, les représentants du culte musulman en France ont dénoncé une campagne contre l’islam et les musulmans de France, qualifiant le débat autour de l’antisémitisme, lancé par un manifeste virulent contre l’islam, de «nauséabond».
Les représentants du culte musulman en France réagissent à un texte publié dimanche par Le Parisien et signé par 300 personnes, dont l’ancien président Nicolas Sarkozy, l’ancien Premier ministre Manuel Valls, l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, le chanteur Charles Aznavour, le comédien Gérard Depardieu et le militant franco-sioniste Bernard-Henri Lévy.
Le texte en question cible directement l’islam et les musulmans, les rendant coupables d’un «nouvel antisémitisme» qui vise une «épuration ethnique» des juifs en France. Le texte fait état également d’une «obsolescence» de versets du coran.
«Des hommes politiques sur le déclin et en mal de reconnaissance médiatique ont trouvé dans l’islam et les musulmans de France leur nouveau bouc émissaire», s’est indigné le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, qui qualifie dans un communiqué le débat actuel sur l’islam «instrumentalisé» par certains politiques et personnalités médiatiques de «nauséabond et funeste».
«Il est temps qu’ils se ressaisissent et cessent d’accabler l’islam et les musulmans de tous les maux», a demandé Abdallah Zekri, qui est également délégué général du CFCM.
La Grande Mosquée de Paris a dénoncé, quant à elle, selon l’APS qui rapporte l’information, le procès «injuste et délirant» d’antisémitisme fait aux musulmans de France à travers un manifeste.
«Le procès injuste et délirant d’antisémitisme fait aux citoyens français de confession musulmane et à l’islam de France à travers cette tribune présente le risque patent de dresser les communautés religieuses entre elles dans une hystérie qui défie la réalité sociale et politique», a estimé dans un communiqué le recteur Dalil Boubakeur, appelant «à la raison, au civisme et à la fraternité pour éviter de tomber dans ce piège».
Le président du CFCM, Ahmet Ogras, joint par l’AFP, a qualifié ce manifeste de «non-sens» et d’«hors sujet». Pour lui, «la seule chose à laquelle on adhère, c’est qu’on doit tous être ensemble contre l’antisémitisme», soulignant que «personne n’a le monopole de l’oppressé ou de la victime».
De son côté, le recteur de la Grande Mosquée de Bordeaux, Tariq Oubrou, a indiqué qu’attribuer l’antisémitisme à l’islam est «presque un blasphème», puisque, a-t-il expliqué, les deux-tiers des prophètes du coran sont des juifs, qualifiant le manifeste d’«erreur monumentale» et de «violence inouïe».
Le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, a indiqué, pour sa part, que «c’est le terrorisme qui est à combattre», affirmant que «ceux qui tuent d’autres personnes au nom de l’islam sont des voyous, des jeunes paumés (…) qui ne connaissent rien du coran».
Dans la presse de lundi, certains éditorialistes ont jugé le manifeste de «caricatural» qui «ajoute de l’huile sur le feu», alors que les débats se sont enflammés.
Avec AFP + AlgériePatriotique