Le camp démocrate se déchire sur la façon de répondre à Donald Trump, ses choix politiques mais aussi ses provocations, ses insultes, ses outrances. Et le président américain s’en réjouit.
Face à un homme qui, à leurs yeux, dégrade la fonction présidentielle, fracture la société américaine et pose le risque d’une dérive autoritaire, certains jugent que les réponses classiques ne suffisent plus. Qu’il faut changer de ton et descendre dans l’arène.
Le débat au sein de la gauche américaine n’est pas nouveau mais l’indignation –réelle et palpable– née de la séparation des familles de migrants à la frontière a marqué un tournant.
C’est au nom de celle-ci que plusieurs proches du président ont été pris à partie, au premier rang desquels sa porte-parole Sarah Sanders qui s’est vu refuser l’accès à un restaurant en Virginie. Certains voient dans la propriétaire du lieu, Stephanie Wilkinson, une héroïne d’un genre nouveau.
« Si vous voyez un membre du gouvernement dans un restaurant, dans un magasin, dans une station-service, allez-y, créez un rassemblement (…), dites-leur qu’ils ne sont plus les bienvenus, nulle part », a lancé ce week-end l’élue démocrate de Californie Maxine Waters.
« Anti-Trumpisme » systématique
Mais la démarche ne fait pas, loin s’en faut, l’unanimité.
Au-delà des invectives et de quelques images fortes, ces initiatives ne risquent-elles pas d’avoir surtout comme effet d’offrir au magnat de l’immobilier un solide point d’appui pour sa campagne et, par ricochet, une victoire lors des élections parlementaires de novembre, voire un deuxième mandat en 2020?
« Aucun doute là-dessus », tranche Larry Sabato, politologue à l’université de Virginie. « Sa base se nourrit de la colère et Trump peut galvaniser ses fans en pointant du doigt la rhétorique et les actes excessifs des démocrates. Maxine Waters en est le parfait exemple ».
« L’opposition à Trump peut devenir elle-même son pire ennemi », explique en écho à l’AFP Julian Zelizer, professeur d’histoire à l’université de Princeton.
Comment? « En aidant le parti républicain à passer outre tout ce qu’il n’aime pas à propos de Trump ».
Le risque pour les démocrates: que les actes et les déclarations spectaculaires des détracteurs de Trump ne soient interprétés comme autant de messages de mépris, de condescendance à l’égard d’un président qui n’est pas issu du sérail.
Et qu’ils piquent au vif ceux qui, parmi les républicains ou les indécis, déplorent ses excès voire certaines de ses politiques, mais se sentent prêts à le défendre face à un « anti-Trumpisme » systématique, caricatural, sans nuance.
« Meilleure base électorale de l’Histoire »
Le magnat de l’immobilier, qui aime plus que tout, les atmosphères de campagne, a senti l’ouverture et s’est engouffré dans la brèche.
« Maxine Waters est désormais le visage des démocrates », a-t-il lancé mardi dans un tweet, après avoir ironisé sur cette élue « dotée d’un QI extraordinairement bas » qui « appelle à s’en prendre aux partisans, nombreux, du mouvement Make America Great Again ».
Lors d’un meeting lundi soir en Caroline du Sud, il a joué sur le sentiment du « nous contre ceux qui nous méprisent ». « Nous avons la meilleure base électorale de l’Histoire politique! », a-t-il lancé sous les applaudissements et les hourras.
Plusieurs ténors démocrates redoutent de tomber dans le piège, à quelques mois d’élections de mi-mandat à l’issue indécise.
« Les coups de boutoir quotidiens de Trump ont provoqué des réponses qui étaient prévisibles mais qui ne sont pas acceptables », a lancé Nancy Pelosi, cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, évoquant les propos de Maxine Waters.
Un démocrate pas tout à fait comme les autres a, lui, choisi sa stratégie de longue date.
Depuis son départ de la Maison Blanche, Barack Obama est resté quasiment muet, se tenant soigneusement à l’écart du débat politique et évitant de rebondir à chaque polémique lancée par son successeur qui s’emploie à démonter son bilan brique par brique, du climat à l’Iran.
Certains dans le camp démocrate se désolent de ce silence et jugent que le devoir de réserve que s’imposent traditionnellement les présidents américains après leur départ n’a pas lieu d’être face aux dérives de l’ère Trump.
Mais le 44e président des Etats-Unis s’en tient à sa ligne de conduite. Et ne mentionne presque jamais le nom du 45e.
Source: AFP