Grâce à la protestation de la communauté druze contre la loi de l’État-nation, deux vérités fondamentales qui ne peuvent plus être dissimulées ont été mises au jour.
La solution au problème des Druzes peut être adoptée comme d’habitude de la mère patrie idéologique et ancienne meilleure amie, l’Afrique du Sud. Dans les années 1960, le régime de l’apartheid y a inventé le terme « blanc d’honneur » . Ce titre a été donné aux originaires d’Asie du sud-est, en particulier aux Japonais, pour des raisons strictement de business. D’ailleurs, les Japonais étaient aussi considérés comme des « aryens d’honneur » par les nazis.
C’est donc la solution : faire des Druzes des « Juifs d’honneur », en raison de leur contribution à l’armée, et c’en sera fini du problème de leur identité dans l’État juif.
Nous devons être reconnaissants envers les Druzes. Grâce à leur protestation, mais surtout grâce au choc hypocrite de leurs « frères » juifs, on a découvert deux vérités fondamentales qui ne peuvent plus être dissimulées : premièrement, il n’y a pas de racisme par échéances comme Israël l’aimerait; il n’y a que du racisme et non du racisme. Deuxièmement, il n’y a pas d’autre solution démocratique qu’un État de tous ses citoyens. Grâce aux Druzes, qui malheureusement ne s’occupent que d’eux-mêmes et non de toutes les minorités, cette prise de conscience peut s’étendre à l’ensemble de la société. Toute autre solution sera un mensonge, un patchwork de tromperie. Il n’y aura pas de démocratie en Israël si ce n’est pas un État de tous ses citoyens.
L’imbroglio druze du gouvernement et le flot des réponses de la majorité juive aurait pu être une phase de détente comique dans l’histoire du sionisme en tant que racisme, s’ils n’avaient pas été aussi pitoyables. Israël s’est réveillé dans l’horreur : Oups, nous avons oublié que les Druzes sont nos partenaires actifs dans l’occupation, des soldats loyaux de l’armée de défense. En hébreu druze, ça s’appelle une alliance de sang.
Nous devons donc écouter leur détresse. Dans un État où la seule contribution valable est l’assassinat d’Arabes, les Druzes méritent d’être pris en considération. Des pétitions signées par des généraux de réserve, qui n’ont jamais signé une pétition sur quoi que ce soit d’autre, des flots de mots vides au sujet d’un pacte et de l’égalité, une pression publique croissante. Même l’estimé journaliste druze Riyad Ali a eu besoin de son fils, un policier servant dans la partie occupée de Jérusalem, pour attirer l’attention.
Une fois de plus, c’est prouvé : C’est Sparte, aussi quand il s’agit des minorités. Le général de brigade druze Amal Assad a-t-il été insulté par la loi de l’État-nation ? C’est la fin du monde. L’injustice doit être corrigée immédiatement. Et si le professeur Nicola Mabjeesh et le Dr Yazid Barghouti, deux excellents chirurgiens en urologie arabes non druzes à l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, sont insultés ? Ils n’ont pas été officiers, et donc leur contribution est rabaissée et tout le monde se fout de savoir s’ils sont insultés par la loi. Qu’ils continuent à prendre soin des Juifs avec dévouement et expertise, et qu’ils remercient d’être là.
Israël représente une nouvelle échelle de droits : au sommet se trouvent les Juifs qui tuent des Arabes (en servant dans l’armée), après eux viennent les Juifs qui ne servent pas dans l’armée, suivis par les Druzes qui servent, les Bédouins qui servent, les Circassiens qui servent, les chrétiens, qui sont des Arabes relativement bons, et en bas, les Arabes musulmans, qui n’ont pas de droits dans l’État juif.
Riyad Ali et Amal Assad n’ont été les seuls à être insultés par la loi. Tous les Israéliens musulmans, dont certains n’ont pas moins contribué à l’État (et en aucun cas leurs droits ne doivent découler de leur contribution), ont été insultés au plus profond de leur âme. Les soldats de la Brigade Golani de l’ancien chef d’État-major des FDI Gabi Ashkenazi n’ont pas publié en leur faveur un manifeste nauséabond et sirupeux pour « soutenir, s’identifier et donner l’accolade à nos frères » , les anciens combattants de la Brigade Parachutiste n’ont pas été à leurs côtés « au coude à coude pour exprimer des valeurs de camaraderie » . Les médecins, pharmaciens, infirmières, écrivains, étudiants et travailleurs musulmans ne méritent pas une accolade ou de la camaraderie. Ils ne servent pas dans l’armée, donc ils n’ont pas de droits.
Israël peut continuer à accorder la priorité raciste aux Arabes, en bien et en mal. Nous indemniserons les Druzes et serons coincés avec les Circassiens ; nous paierons les Circassiens et que ferons-nous avec les chrétiens, et qu’en est-il des éclaireurs bédouins* ? Israël ne sera pas démocratique tant qu’il ne donnera pas la pleine égalité à tous ses citoyens, sans différenciation. En attendant, donnons aux Druzes le titre de « Juifs d’honneur ». Cela fera d’Israël une démocratie, l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Par Gideon Levy
*L’armée israélienne compte environ 2000 volontaires bédouins, qui jouent le même rôle que les Indian Scouts, les éclaireurs amérindiens dans l’armée yankee durant la « Conquête de l’Ouest » et les guerres indiennes, notamment contre les Apaches et les Navajos. Les éclaireurs bédouins sont utilisés en particulier dans le Sinaï et autour de Gaza assiégée.
Source: Tlaxcala