« C’était un travailleur sérieux et persévérant. Il était poli, sympathique et aimable. Et il était surtout créatif… il a été l’une des têtes les plus distinguées et les plus brillantes de la Résistance ».
C’est ainsi que Sayed Nasrallah a décrit ce résistant, tué par un commando du Mossad, dans la nuit du 3 décembre 2013.
Le numéro un du Hezbollah a connu le martyr en 1980, alors qu’il était encore le responsable culturel du mouvement Amal. Depuis ils ne se sont plus séparés.
Le martyr Hassane a pris part à sa protection, lorsqu’il a fait l’objet de menaces de mort. Il était à ses côtés lors de la création de la Résistance islamique, lors de l‘invasion israélienne du Liban en 1982. De même, lors des rencontres avec les éléments des Gardiens de la révolution iraniens, venus au Liban et plus précisément à Baalbek pour former les résistants. C’est à cette époque-là d’ailleurs qu’il a appris le farsi.
Lorsque les israéliens se sont retirés jusqu’à la bande frontalière dans le sud du Liban et la Békaa occidental, il s’est engagé dans l’action militaire de la résistance et a fait part aux opérations contre les positions israéliennes.
Il s’était alors fait remarquer en contribuant au perfectionnement des moyens de combats de la Résistance et en remédiant aux lacunes et aux manques qui se manifestaient lors des combats contre les israéliens et leurs alliés de l’ALS (Armée du Liban-Sud).
L’une de ses réalisations a été le perfectionnement du « signal corps » ou l’arme des signaleurs, à laquelle il a introduit des modifications qui se sont répercutés sur les deux réseaux de communication avec et sans fil. Depuis il s’est consacré à tout ce qui a trait à la technologie. C’était d’ailleurs sa passion depuis qu’il était jeune. Il les a développés dans les deux domaines sécuritaire et militaire pour devenir la référence incontournable de la Résistance.
Il a aussi concouru à la confection de l’arsenal balistique de la Résistance et servi de premier conseiller à son commandement.
A la conquête du ciel
Etant inlassablement à la recherche de nouvelles idées pour contourner les mesures de précaution de l’ennemiisraélien sur le sol, il a commencé à envisager l’exploitation du ciel.
Là aussi, sa quête remonte à très tôt, depuis 1988. En amateur, il s’est mis à collecter de petits moteurs, auxquels il collait des bouts de bois et tentaient de les faire voler. Des dizaines et des dizaines de fois.
Mais ses efforts sont devenus plus formels après l’an 2000, avec la formation d’une unité spécialement conçue pour les drones, baptisée l’Unité de la force aérienne. Il avait auparavant visité l’usine des drones en Iran. Sayed Nasrallah visitait régulièrement ses ateliers, pour être tenu au courant des progrès réalisés. De plus en plus, les chefs de la résistance réclamaient l’introduction de ces appareils dans leurs opérations. Surtout pour les missions d’observation. Ce fut le cas dans une certaine mesure durant la guerre 2006.
Mais c’est dans la guerre en Syrie que ses drones ont fait leur preuve. Dans la plupart des confrontations et surtout dans la bataille de Qousseir. Ils filmaient les zones qu’ils survolaient et transmettaient les images à la cellule de commandement qui à son tour en informait les groupes de combat sur place. Ainsi, l’emplacement et les déplacements des groupes terroristes étaient à découvert pour la Résistance. La même année, le Hezbollah a envoyé un drone qui a survolé la Palestine occupée pendant plusieurs heures avant d’être détecté et abattu.
Après la bataille de Qousseir, Lakkis s’est fixé comme objectif de franchir un nouveau cap : équiper ces drones de missiles ou roquettes.
C’était en 2012, un an à peine avant son assassinat par Israël qui était parfaitement au courant de ses performances. Depuis le siècle dernier.
Le cerveau technologique
En effet, quelques jours après cette date fatidique, les médias israéliens ont publié les rapports de presse qui l’illustrent parfaitement.
« Les améliorations dans les capacités du Hezbollah militaires et techniques sont redevables d’une façon époustouflante au travail d’une seule personne, Hassane Lakkis. Cette personnalité est l’une des plus importantes pour ses capacités créatrices et inventives et l’un des cerveaux technologiques du Hezbollah», l’avaient décrit pour la revue mensuelle américaine Tower Magazine, experte en renseignements militaires israéliens, des responsables militaires israéliens. (31/3/2014)
« Selon le dossier de Lakkis chez le service des renseignements militaires Amane, il jouit de capacités créatives dans le domaine des armements et de leur développement, basées sur son enseignement technique à l’Université libanaise et sur ses propres capacités… Comme le disait le chef du Mossad Meir Dagan, grâce à ses efforts, le Hezbollah est devenu plus puissant et dispose d’une puissance de feu que 90% des Etats du monde ne possèdent pas », a pour sa part expliqué le chroniqueur du journal israélien Yediot Ahronot, Ronen Bergman, le 5 décembre 2013.
« Son héritage a permis au Hezbollah de devancer les organisations similaires dans le monde. Surtout en ce qui concerne les tactiques, la technologie d’attaque et de défense. Lakkis a présidé aussi un projet destiné à développer des drones pour le Hezbollah non seulement pour des fins de surveillance et de collecte de renseignements mais aussi pour des infiltrations et des bombardements de cibles », publiait pour sa part le journal israélien Haaretz le 6 décembre, deux jours après l’assassinat.
Trois tentatives d’assassinat
Auparavant, Lakkis avait fait l’objet de deux autres tentatives d’assassinat.
Dans les années 90, de retour en voiture chez lui, dans la Békaa, il a échappé grâce à un bulldozer qui entravait la route, le contraignant à emprunter la voie parallèle à celle où l’engin piégé avait été planté.
La deuxième aurait apparemment eu lieu pendant la guerre 2006. Il s’était rendu vers le bâtiment où il habitait à Chiah, dans la banlieue sud. A peine l’avait-il quitté qu’il a été bombardé par un raid israélien. Il y a perdu son fils de 18 ans.
« Il souriait »
Pour la dernière fois, Israël a chargé 12 éléments du Mossad pour le liquider. Deux d’entre eux se devaient de le descendre, en face-à-face. Il venait de descendre de sa voiture lorsqu’ils l’ont abattu.
« Lorsque je suis arrivé, je l’ai trouvé adossé sur la porte de la voiture. Il portait un revolver à la main. Le sang coulait sur son visage.», a raconté son compagnon de route qui l’a connu depuis qu’il était rentré d’Afrique en 1978, et qui a raconté son histoire pour le journal libanais al-Akhbar, pour la commémoration des 5 années de sa disparition.
« Il était souriant », poursuit-il.
Avant de partir, Hassane Lakkis avait réussi les premiers tests du drone armé. Son rêve. Ses compagnons sont en train de le perfectionner et il devrait entrer en action à la prochaine guerre contre Israël.
Ce jour-là, lorsque les médias mettront à la Une : « l’aviation de la Résistance bombarde Israël », le père du drone de la Résistance sourira… depuis sa tombe…depuis son paradis.
Source: Divers