Au plus fort de la campagne pour les nouvelles élections anticipées, Netanyahu a voulu faire une démonstration de force au Moyen-Orient, qui prouverait aux Israéliens qu’il était l’homme fort et décisif, prêt à les protéger contre la résistance, son axe et ses factions, quelle que soit l’étendue géographique les séparant. Obéissant à ce dessein, il a dirigé ses drones vers l’Irak et le Liban et ses missiles vers la Syrie pour cibler des centres de la Résistance et de son axe, prétextant que « l’Iran et ses branches n’ont aucune immunité ». Il veut dire que la Résistance n’est immunisée nulle part.
Dans ses moments de suffisance et d’arrogance, Netanyahu a oublié, ou feint d’oublier ou ignorer, qu’il existe des règles d’engagement régissant la confrontation avec la Résistance au Liban, dont la première est l’abstention d’Israël de nuire à la sécurité du Liban et à celle de la Résistance et des zones habitées, en contrepartie de l’abstention de la Résistance de mener des opérations transfrontalières ou d’ouvrir le feu sur la Palestine occupée. Netanyahu a peut-être aussi voulu abandonner ces règles et en tracer des nouvelles qui placeraient Israël en position supérieure, abolissant ainsi l’équation de la dissuasion mutuelle établie depuis 2006.
Face à l’agression d’Israël et sa violation des règles d’engagement et de dissuasion, le Hezbollah s’est trouvé obligé de mener une action militaire de nature à restaurer la stabilité et saboter les desseins de Netanyahu, sans cela, il aurait dilapidé des acquis considérables et subi une perte stratégique majeure insupportable. Le Hezbollah a donc pris la décision catégorique et irrévocable de riposter à Israël par une action militaire punitive pour son agression, rétablir ainsi les règles d’engagement et consolider l’équation de la dissuasion. Et pour que son opération produise cet effet, elle devait être menée dans des circonstances adaptées à l’objectif exigé, d’où l’opération d’Avivim, réalisée selon les modalités suivantes :
Le théâtre de l’opération : sur le territoire de la Palestine occupée et en profondeur, à quelques kilomètres de la frontière ; un choix qui, pour la première fois, est un message à Israël stipulant qu’une nouvelle ère de confrontation a commencé et que tout mouvement des militaires dans le nord est sous le feu de la Résistance. Cela dépasse également ce qu’avait imposé la résistance par la force des missiles sol-sol qui ont mis tout Israël dans son viseur.
Le timing : l’opération s’est déroulée dans l’après-midi du premier septembre, soit juste une semaine après que le secrétaire général du Hezbollah ait promis une réponse punitive, et seulement huit jours après l’agression israélienne. Une semaine durant laquelle il a laissé Israël mariner dans sa confusion, sa perplexité et son inquiétude, dans l’attente de l’inévitable riposte, et exercé une pression psychologique qui a conduit les commentateurs israéliens à reconnaître le souffle de Sayyed Nasrallah dans la guerre psychologique et sa capacité à contrôler la conscience du public.
Le nom de l’unité opérationnelle : le groupe de la Résistance ayant exécuté l’opération a été baptisé des noms des martyrs Daher et Zabib, pour indiquer que celle-ci a été menée en réponse à l’agression israélienne qui a assassiné ces deux combattants en Syrie.
La cible et l’objectif : l’opération a ciblé un véhicule militaire blindé israélien de transport de troupes qui peut contenir huit hommes et qui, normalement, ne se déplace pas avec moins de trois soldats à bord. Ce choix marque la volonté de la Résistance d’infliger des pertes humaines dans les rangs de l’ennemi au moins équivalentes à celles subies par la Résistance avec ses deux martyrs tombés en territoire syrien.
L’armement utilisé : des missiles antichar Kornet, de grande notoriété, qui ont laissé une empreinte noire dans la conscience collective israélienne, du fait qu’ils ont massacré les chars Merkava à Wadi Alhojair et dans la plaine Khiyam en 2006, et empêché Israël d’accéder au Litani et d’accomplir toute réalisation militaire même symbolique. Le missile, de haute précision, a une portée efficiente de 5.5 km.
L’environnement sécuritaire et opérationnel pour l’exécution : l’action s’est déroulée durant l’état d’alerte israélien le plus élevé au niveau des opérations et du renseignement, dans le nord de la Palestine occupée, et au bout d’une semaine durant laquelle la résistance a exercé une forte pression psychologique qui a obligé l’ennemi à placer 5 brigades en état d’alerte maximale dans le nord, avec la mobilisation des avions de combat et des drones nécessaires pour les soutenir, ainsi que le tiers de la flotte navale israélienne.
C’est dans ces conditions particulièrement exceptionnelles que le Hezbollah a mené l’opération « Avivim » contre le véhicule israélien, le détruisant et tuant ou blessant son équipage. Le groupe opérationnel, après avoir atteint l’objectif et tenu la promesse de riposte de Sayyed Nasrallah, s’est ensuite retiré et regagné sa base en toute sécurité. A l’issue de cette action, Israël a adopté une double attitude médiatique et opérationnelle ainsi composée :
Médiatiquement, Israël a reconnu l’opération et l’atteinte de son véhicule, mais a nié toute perte ou blessure parmi ses soldats, ce qui le met devant une contradiction stupéfiante, car il n’a pas expliqué comment un véhicule en mouvement peut être touché par une arme destructrice sans qu’il n’y ait de blessures! Toutefois, les médias israéliens, dont la télévision, ont reconnu que deux blessés, puis quatre, ont été emmenés aux hôpitaux, qu’un hélicoptère a été vu en train d’évacuer des blessés et que les équipes d’évacuation opéraient à proximité du lieu de l’opération et sous les yeux de la Résistance. Israël a ensuite poussé le déni jusqu’à prétendre avoir trompé la Résistance par la mise en scène de l’évacuation pour convaincre le Hezbollah du succès de son opération et le contraindre à s’arrêter. Nous pensons qu’Israël a agi ainsi pour sauver la face et dissimuler ses pertes.
Sur le terrain : Israël a fait appel à son artillerie pour tirer 40 obus incendiaires sur des zones agricoles ou inexploitées du Sud-Liban, mais n’a pas osé frapper une seule maison ou zone habitée, sachant que la Résistance était prête à riposter également. La fonction de ces 40 obus, une centaine prétend Israël, n’est que la réaction habituelle et routinière d’une partie, visée par une attaque ayant fait des victimes, qui ouvre le feu de façon défensive et à un niveau restreint pour ne pas aller au-delà du théâtre de l’opération et pour barrer la voie de repli des combattants de la Résistance, dans le but de confirmer sa vigilance et d’empêcher la poursuite de l’attaque contre elle.
En somme, nous pouvons affirmer que l’offensive menée par la Résistance en Galilée, sur le territoire de la Palestine occupée, près de la colonie « Avivim » autrefois la localité arabe Salha, est une opération dont la portée est adéquate et est considérée comme une opération qualitative réussie qui répond à la règle de la proportionnalité et de la nécessité en vigueur dans les règles des conflits militaires. Elle a abouti aux résultats suivants :
Le rétablissement des règles d’engagement après avoir fait comprendre à Israël que toute violation d’une de ces règles sera sanctionnée par une riposte transgressant une autre règle qui lui est avantageuse. En conséquence, si Israël souhaite que le calme continue à régner au sud de la frontière, il doit respecter le calme au nord de celle-ci. C’est un acquis très important pour le Liban réalisé par la Résistance depuis 2006.
La confirmation de l’efficacité de l’équation de la dissuasion stratégique. Dans le cadre de cette équation, Israël s’est abstenu de répondre sérieusement et efficacement à l’opération de la Résistance. Il faut se rappeler comment les villes et les villages du Sud-Liban étaient ciblées par les missiles ennemis dès qu’une roquette Katioucha était lancée tout près et sans causer un quelconque dommage à Israël. Aujourd’hui, et bien malgré lui, Israël s’est gardé de porter atteinte aux civils, ayant conscience que toute nouvelle violation ou agression sera sanctionnée par une riposte douloureuse et que l’escalade pourrait mener à la guerre à laquelle Israël n’est pas prêt.
Pour la première fois, le nord de la Palestine occupée est dans le viseur des missiles antichar actionnés par une observation à l’œil nu. C’est un saut qualitatif réalisé par la Résistance, car même en 2006, aucune opération similaire n’a été menée et l’utilisation de ces roquettes était limitée au seul Liban. Là, les Israéliens se souviendront parfaitement de la déclaration de Sayyed Nasrallah selon laquelle il pourrait diriger les combattants vers la Galilée pour se battre en terre palestinienne. Ce faisant, et une fois pour toutes, la doctrine militaire israélienne selon laquelle la guerre ne se déroule que sur le territoire de l’adversaire est définitivement partie en éclats.
La mise à nu de la faiblesse du dispositif du renseignement israélien qui n’a pas anticipé l’opération ni sa nature et n’a pas fourni à la Résistance la cible appropriée. Prétendre qu’il n’y a pas eu de blessés et que l’évacuation était une mise en scène ne changera rien à cette réalité.
La contrainte pour Israël de recourir aux mensonges afin de dissimuler la défaite, parce que l’opération a été menée dans les circonstances citées, et Israël ne pourra cacher son échec en niant les pertes ou par de fausses allégations. Nous verrons davantage dans quelles proportions Israël se soumettra aux résultats de cette opération et respectera les règles d’engagement restaurées, tout en évitant toute action susceptible de riposte douloureuse et d’escalade pouvant mener à la guerre.
En résumé, nous affirmons que la Résistance a réussi brillamment à mener à bien l’opération « Avivim » et, par son biais, a ajouté du nouveau dans le dispositif des règles régissant la confrontation avec l’ennemi. Elle a prouvé une fois de plus l’affaiblissement de cet ennemi, l’ampleur de son déclin, sa démoralisation et le degré de son impuissance. Elle confirme à nouveau que le temps de la domination israélienne et de l’armée conquérante et invincible est révolu, au temps de la puissante Résistance qui a brisé le modèle et changé les rapports de force israéliens.
Par Général Amine Htaite : général libanais à la retraite et expert sur les questions militaires libanaises
Sources : Al-Bina ; Traduit par Rana Tahar ; Réseau international