Américains et Israéliens œuvrent de concert pour entrainer le Liban vers la normalisation avec l’entité sioniste. Le moment est considéré propice d’autant que l’emprise américaine sur les institutions de l’Etat libanais devient plus pressante. Les récentes déclarations américaines et de plusieurs responsables israéliens évoquent ouvertement ces efforts.
Il y a eu l’annonce faite par Morgan Ortagus, l’adjointe de l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, sur « le lancement du processus diplomatique, à travers trois groupes de travail sur trois questions parallèles en suspens entre le Liban et Israël ». Celle de la délimitation des frontières terrestres, celle de la libération des détenus et celle du retrait israélien total du Liban.
Or le règlement de ces trois questions ne nécessite pas de nouveaux groupes de travail et pourrait se suffire du comité quinquennal de supervision de la résolution 1701. En revanche, la création de ces groupes servirait à lancer le processus de négociations qui impliquerait des concessions de part et d’autre et dans les deux cas « le Liban tomberait dans le piège », selon le journal libanais al-Akhbar.
A rappeler que l’envoyé de Trump, Steven Witkoff avait fait part récemment de son « optimisme que l’Arabie saoudite puisse rejoindre les accords d’Abraham », faisant remarquer que « les évolutions politiques dans la région s’étendront vers le Liban et la Syrie. Le Liban pourrait agir prochainement pour rejoindre les accords de paix et la Syrie pourrait emprunter le même chemin ».
Côté israélien, des déclarations officielles soutiennent cette orientation. Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a évoqué « le déroulement progressif d’un plan préconçu pour la question frontalière » entre le Liban et la Palestine occupée, précisant qu’il « fait partie d’un plan plus large entre Tel Aviv et Washington ».
De même dans les médias israéliens, les experts évoquent de plus en plus ouvertement cette question.
Une source politique israélienne a confié pour i24 que « la politique de Netanyahu a changé le Moyen-Orient, et nous voulons poursuivre cet élan pour parvenir à la normalisation avec le Liban ».
La source (qui serait Netanyahu lui-même) a ajouté : « Tout comme le Liban a des exigences concernant les frontières, Israël a également des exigences, et nous discuterons de ces questions », notant que « les pourparlers avec le Liban font partie d’un plan large et global. »
Selon cette source, « les discussions à Naqoura (avant-hier) ont eu lieu avec des représentants de l’armée israélienne, mais il a été convenu que les prochaines discussions auraient lieu avec un représentant diplomatique israélien », ce qui constitue « une avancée diplomatique spectaculaire ».
La source israélienne semble comprendre la sensibilité libanaise face à la question de la normalisation et tente d’y remédier. « Du point de vue du nouveau président libanais, il s’agit d’une question difficile à faire valoir politiquement. C’est pourquoi nous avons libéré les cinq Libanais. L’objectif est de soutenir le président face au Hezbollah et à Amal, qui s’opposent à lui, et de rechercher une normalisation avec le Liban. C’est l’ambition, et c’est pourquoi nous avons mis en place des groupes de travail et nous poursuivrons les discussions. »
Même son de cloche de la part du colonel de réserve israélien Moshe El-Ad qui a déclaré lors d’une apparition dans une émission sur une chaine de télévision israélienne : « Je crois que le président Aoun veut une nouvelle phase dans les relations entre le Liban et Israël. »
Côté libanais, les responsables libanais concernés nient catégoriquement avoir été ouvertement consultés sur la normalisation.
Un démenti a été publié ce jeudi par le bureau du Président de la République Joseph Aoun assurant que la création des trois comités chargés de résoudre la question des zones controversées s’inscrit dans le cadre de l’accomplissement de la résolution 1701.
« Ceci ne veut pas dire qu’il y aura des négociations directes entre le Liban et Israël. Les allégations selon lesquelles ces comités sont une démarche première vers un accord de paix sont erronées », peut-on lire dans le communiqué du bureau du chef de l’Etat.
Le Premier ministre Nawwaf Salam a lui aussi nié que les Américains lui ont parlé ouvertement.
Mais l’ambassadrice américaine Liza Johnson n’est pas de cet avis.
Selon al-Akhbar, elle a informé trois hauts-responsables dans l’Etat libanais, et deux assistants de deux références importantes que « le Liban devrait se préparer pour la prochaine phase lorsque les négociations porteront principalement sur les moyens censés garantir une solution globale et permanente avec Israël ». Ses auditeurs rapportent qu’elle ne cesse de leur répéter pendant les rencontres qui les unissent que « les informations de son pays assurent que le Hezbollah se trouve dans une situation très difficile et qu’il n’est plus capable d’avorter » ces efforts. Elle met en garde surtout contre le fait de lui permettre de prendre en charge le dossier de la reconstruction.
Parmi les hommes politiques qui évoquent franchement ces pressions, le leader druze Walid Joumblatt. Il dit avoir fait l’objet de menaces pour avoir protesté à la normalisation entre les druzes du Liban et de la Syrie avec la direction spirituelle des druzes israéliens.
Source: Médias